Marion Crane en a assez de ne pouvoir mener sa vie comme elle l'entend. Son travail ne la passionne plus, son amant ne peut l'épouser car il doit verser une énorme pension alimentaire le laissant sans le sou... Mais un beau jour, son patron lui demande de déposer 40 000 dollars à la banque. La tentation est trop grande, et Marion s'enfuit avec l'argent. Très vite la panique commence à se faire sentir. Partagée entre l'angoisse de se faire prendre et l'excitation de mener une nouvelle vie, Marion roule vers une destination qu'elle n'atteindra jamais. La pluie est battante, la jeune femme s'arrête près d'un motel, tenu par un sympathique gérant nommé Norman Bates, mais qui doit supporter le caractère possessif de sa mère. Après un copieux repas avec Norman, Marion prend toutes ses précautions afin de dissimuler l'argent. Pour se délasser de cette journée, elle prend une douche...Critiquer
Psychose, c'est un peu comme critiquer un chef d'oeuvre
. Car même si le film a plus de 45 ans, il conserve la même frayeur
d'antan. Il me sera donc impossible de ne pas révéler des éléments de l'intrigue.
Le film est clairement construit en trois temps : la cavale de
Marion / l'entracte dans le motel / les investigations. Et dans chacun de ces chapitres,
Hitchcock installe d'emblée la psychose. Celle-ci apparaît sous la forme d'une
paranoïa au début du film.
Marion vole de l'argent, s'enfuit et s'invente tout un récit sur la découverte de son acte. Puis, avec la rencontre de
Norman, c'est une psychose sous forme de jalousie. La mère de celui-ci ne supporte pas l'idée que son fils héberge une ravissante jeune femme, et des attentions qu'il lui apporte (préparation du dîner, politesse et sourire
exarcerbés). Enfin, la dernière partie s'achève sur la psychose, la vraie : la peur
primale, dont j'en parlerai plus longuement par la suite.
Hitchcock, par la biais d'une belle photographie noir & blanc (qui n'a rien perdu de sa qualité à travers ce
demi-siècle !), maîtrise son jeu sur les masques. A travers ces
clair-obscurs très
ambigus, le spectateur est en effet perdu dans l'identité des personnages et n'arrive plus à déceler leurs places dans le film.
Marion, au début, est sans conteste la méchante. Puis, on la prend en considération (on fait tous des erreurs) et puis, elle se fait assassiner.
Norman, à l'inverse, apparaît comme le petit gars dont on donnerait le bon dieu sans confession ("J'habite seul avec ma mère dans une maison miteuse, et j'adore cette vie") pour se révéler en fait comme l'un des personnages les plus complexes de l'histoire du cinéma. Ne manquons pas d'ailleurs de souligner l'incroyable prestation
d'Anthony Perkins qui l'éleva au rang de star internationale (on n'oubliera jamais son sourire des plus terrifiants dans la scène finale).
Et
Hitchcock jouit de ce trouble permanent qui habite le film (la musique stressante, les gros plans sur les visages des acteurs qui ne font qu'accentuer le malaise...). Il prend le temps de raconter une histoire, de partir d'un point A vers un point B et de n'amener les fortes scènes qu'au moment les plus impromptues. Et c'est en cela qu'il réussit son film. Car
Psychose ne contient en tout que trois scènes fortes (et courtes par dessus le marché !). Mais elles s'ancrent si bien dans le récit que leurs puissances viennent s'en décupler. De plus,
Hitchcock était, à mon avis, en avance sur son temps pour terrifier et manipuler le spectateur comme bien peu de réalisateurs, même encore maintenant, ne peuvent pas se targuer d'avoir réussi à faire. Je parle de manipulation car il introduit ces trois séquences terrifiantes toujours au moment où on s'y attend le moins. La première : il pleut averse,
Marion se gare, il fait nuit. On s'attend à un drame. Mais il n'en est rien. Elle mourra quand la pluie aura cesser (mais sous l'averse de la douche, douce ironie). La seconde : l'inspecteur
Harbogart qui enquête sur son meurtre s'introduit par effraction dans la maison de
Norman. On s'attend à des révélations. Mais la mère brandit son couteau et l'empale. Enfin dans la dernière scène,
Vera, la soeur de
Marion venue résoudre cette affaire, s'introduira dans la maison en plein jour (dans une époque où les films restèrent centrés sur les scènes d'épouvante se passant uniquement en pleine nuit) et bien sûr découvrira le pot aux roses. Là où
Hitchcock réussit son coup de tonnerre, c'est que même en ayant beaucoup de perspicacité, force est de constater qu'on ne s'attendait pas à un tel twist final : la mère était morte depuis des décennies et
Norman, rongé par le remord de l'avoir assassiner, l'a habité.
Psychose est en réalité une affaire de schizophrénie, d'où le jeu des faux-semblants (image subliminale de la tête de mort qui vient remplacer celle de
Norman à la fin dans sa cellule). Et le plus fort dans tout ça, c'est
qu'Hitchcock arrive à ne pas inculper
Norman pour tous les crimes qu'il a accompli, pour la simple et bonne raison que c'est sa mère qui les a fait. Le spectateur ne déteste pas
Norman (on le prend plus en pitié ce pauvre malade mental), mais on a peur de sa mère.
Psychose est un film qui date, c'est certain mais qui fait toujours peur et qui instaure
toujours une atmosphère paralysante. Sous le jeu hypnotique de
Perkins, on est happé par cette histoire inquiétante. Le scénario, du jamais vu pour l'époque, est fantastique, et les décors sont à glacer le dos (la maison en haut d'une colline n'aura pas fini d'être une référence). Et bien sûr, on n'oubliera jamais cette scène de la douche qui fit le tour du monde : radicale et dérangeante. Pas d'effets inutiles, de sang
en-veux-en-voilà. Juste des cadres et un effet de style. Dans ce rôle de femme massacrée sous sa douche,
Hitchcock a empaillé
Janet Leigh comme
Norman empaille ses oiseaux. Ne
verrait-on pas dans ce clin
d'oeil un précurseur à son film éponyme qu'il réalisera quelques années plus tard ?