mardi 23 février 2010

Lovely Bones - critique -

Lovely Bones, ou l'histoire de Susie Salmon, une jeune adolescente de quatorze ans assassinée par un homme. De l'au-delà, Susie assiste, impuissante, à la tristesse de sa famille, et va tenter de parvenir à aider celle-ci afin de mettre la main sur son ravisseur.
Le scénario du film n'est pas un pur produit de l'imagination féconde de Peter Jackson. C'est d'Alice Sebold, écrivaine, à qui l'on doit cette dramatique histoire de cette jeune fille, violée et sauvagement tuée. Son livre, paru en français sous le titre de La Nostalgie de l'Ange, conquit le pays de l'oncle Sam en 2002. Jackson, qui abandonne sa Terre du Milieu, s'est donc aventuré sur les terres de Pennsylvanie. Et on ne comprend pas pourquoi ce géant du cinéma a voulu s'y empêtrer... Le film souffre d'un défaut qu'il est impossible d'en faire abstraction pendant ces interminables 2H15 : celui de la narration, ce qui est encore plus incompréhensible de la part d'un tel virtuose de la caméra à qui l'on doit une trilogie qui figure de nos jours parmi les plus cultes jamais réalisées dans l'histoire du septième art... Mais c'est un fait : Lovely Bones est assommant de nullité, et frôlerait presque l'indigence.
Côté qualité d'abord, c'est à dire très peu. L'héroïne qui interprète Susie est remarquable à tous les égards, et apporte au personnage une touche d'innocence vierge, que l'ogre Stanley Tucci déchiquette à pleines dents, notamment lors d'une scène assez palpable et crispante à six pieds sous terre. Le sujet, très sensible quand il s'agit de traiter des thèmes comme la pédophilie, ne vire jamais ici dans le glauque ou dans le voyeurisme. En effet, le film reste fort bien assemblé, et les images sont là pour prouver que Jackson n'a pas voulu bâtir son film sur un assassinat mais davantage sur la période qui succède à la perte d'un proche : comment continue t-on à vivre ? la vengeance est-elle nécessaire pour essuyer notre chagrin ? Lovely Bones n'est donc pas à voir comme un thriller (essayez donc de le voir comme tel et le film se révélera comme une catastrophe sans nom) mais comme une gigantesque hyperbole lourdingue sur la vie et la mort, un Ghost puissance quatre (la scène de la poterie en moins), empli de clichés indignes de Peter Jackson, et une musique tout juste acceptable qui aurait à la limite pu nous faire oublier tous ces désagréments... Ce qui n'est hélas pas le cas.
Lovely Bones constitue donc une grosse arnaque couleur pastelle, doublé d'une incroyable déception d'une qualité plus que médiocre. Ne sachant que faire dans le traitement psychologique brouillon de ses personnages chuitants, traînant en longueur la narration qu'il sabote avec des images de synthèse à peine impressionnables, le réalisateur nous donnerait presque l'envie de rire ! Le comble devant la gravité d'un tel sujet.

dimanche 21 février 2010

Sherlock Holmes - critique -

Sherlock Holmes, dans le Londres du XIXe siècle, est en manque d'énigmes à élucider et d'enquêtes à résoudre. Affiché avec son collègue de toujours, John Watson, Sherlock saute sur la première occasion pour mettre ses neurones à rude épreuve en tentant d'arrêter un criminel connu sous le sobriquet de Lord Blackwood. Ce dernier, potentiellement dangereux et réputé pour son exercice dans la magie noire, est arrêté et n'échappe pourtant pas à la potence. Mais revenu d'entre les morts, il compte bien assouvir ses plans jusqu'au bout, et devenir ainsi le maître du monde...
A quoi devons-nous nous attendre d'un film réalisé sous la houlette de Guy Ritchie himself, ex mari de Madonna ? A priori, pas grand chose. Cependant, mauvaise langue que je suis, force est d'admettre que son long métrage s'en sort plutôt haut la main, même s'il est handicapé par de si grands défauts qu'il rabaisse Sherlock Holmes à un film creux dans la réflexion et pire, à un film dénaturant tout un mythe sur son personnage principal. Sir Arthur Conan Doyle fait bien d'être mort. Ritchie reprend à sa sauce de cuisto le personnage légendaire, avide d'énigmes les plus tortueuses, pour en construire un faux gentleman pédant et je-m'en-foutiste, cheveux dans le vent à la l'Oréal et abdominaux en béton. Rien, de l'image traditionnelle que nous nous faisions de cet élégant homme british aux bonnes manières, ne concordent avec l'attitude de notre Holmes ici. Son acolyte, Watson, sert de faire-valoir tout le long du long métrage, et ce n'est pas la prestation fade au possible de Jude Law qui viendra ajouter de la séduction et du charisme au résultat final. L'atout ne semble donc pas reposer sur la performance de ses acteurs, et encore moins sur son histoire, ridicule, ennuyeuse et plate comme une crêpe. Alors, me direz-vous, qui y a t-il à sauver de ce naufrage ?
Et bien là où Ritchie s'est révélé plutôt intelligent (car sans doute conscient de son scénario bancal comme tous blockbusters qui se respectent), c'est d'avoir misé sur un esthétisme irréprochable, plongeant le film dans un Londres crapoteux, entre des barbaques de porcs et la puanteur de ses égouts. Il n'y a rien à redire sur les passages nocturnes, d'une troublante beauté, qui saluent la performance des décors, des photographes, mais aussi des cadreurs (le final est très réussi). La musique de Hans Zimmer vient évidemment, et comme toujours, rajouter un petit plus pour donner au film la personnalité que n'a su donner ses interprètes. Les énigmes sont bien façonnées, mises en scène par des sortes de clip vidéo nerveux faisant des allers et retours incessants ; mais qui, malheureusement, évitent au spectateur d'activer son cerveau, en transformant le mystère en rationalité. Ce qui, à mon sens, reste la principale erreur du film. Sherlock Holmes se laisse donc regarder, pour le simple divertissement qui n'est point un crime, mais ne restera en rien dans les annales du septième art comme le film qui aura su fait renaître un des hommes les plus fascinants du XIXe siècle victorien en Angleterre.

mercredi 3 février 2010

La princesse et la grenouille - critique -

Tiana est nourrie d'espoirs dès sa plus tendre enfance. Depuis toute petite, elle rêve en effet de bâtir son propre restaurant, et cela à la mémoire de son père. Mais le manque de moyens financiers la fait revenir sur terre : Tiana doit travailler dur pour parvenir à ses fins. Sa meilleure copine, enfant pourrie gâtée, ne l'aide pas beaucoup dans sa démarche, ne manquant jamais une occasion de lui étaler sa situation aisée. Mais un jour, Tiana, par un heureux concours de circonstances, est habillée en grande dame du monde. C'est alors qu'elle fait la rencontre d'une grenouille qui lui assure être un prince victime d'une injuste malédiction...
Il aura fallu un bon paquet d'années pour que Disney se rende enfin compte que c'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes, à savoir le retour au dessin traditionnel. La princesse et la grenouille constitue pour cela une perle de l'animation, avec ses couleurs bigarrées, chatoyantes, ses soucis effarants du détail et cette fluidité dans les mouvements qui impressionnent à chaque seconde. La Nouvelle-France renaît sous nos yeux, avec tous les clichés qui accompagnent la Louisiane, les costumes et l'ambiance musicale entre jazz nostalgique et blues acidulé.
L'histoire est bien moins originale que les classiques Pixar, mais suffisamment minime pour laisser les petits aller bon train dans leur imagination. La particularité d'avoir mis en scène pour la première fois une héroïne afro-américaine (conséquence de l'effet "Obama") a fait beaucoup couler d'encre. Disney a osé tirer des nouvelles ficelles, et le mérite n'en ressort que plus grand. Tiana, ce n'est pas seulement une personne de couleur noire, c'est aussi le porte-parole d'un monde légèrement plus ouvert d'esprit. Et même si Disney a parfois eu tendance à vouloir pousser le bouchon trop loin en faisant peser sur la balance la brave noire pauvre et intègre de sa personne (Tiana) avec la blanche infernale et sclérosée dans sa bulle dorée (Charlotte), le message captive toutes les générations et apparaît au final comme un beau réquisitoire contre l'intolérance.
Les personnages reprennent la parole et chantent à travers de somptueuses chorégraphies. Les multiples clins d'oeil aux précédents films d'animation Disney sont légions (La petite sirène, Aladdin, Cendrillon, Bernard et Bianca...), faisant ainsi de La princesse et le grenouille un hommage à ses ancêtres. L'on reprochera néanmoins une prise de risque de la part de Disney assez superficielle dans la mise en scène de ses seconds couteaux : le classique trublion de service, l'incompris et le beau gosse narcissique seront de la partie. Pour les plus sarcastiques d'entre nous, il suffira donc seulement de fermer les yeux et de suivre l'histoire pour se rendre très bien compte de la physionomie de ces personnages, répondant à tous les critères de bases qu'on est en droit d'attendre.
Finalement, La princesse et la grenouille est là pour confirmer le haut talent inépuisable des studios Disney. Le retour à la planche est largement réussi, grâce à des décors pleins de chaleur et ses personnages attachants. Peut-être trop niaiseux dans le traitement des sentiments (aimant s'engouffrer sans limite dans le happy-end écoeurant), La princesse et la grenouille nous fait néanmoins passer un bon moment innocent et optimiste, au service d'une fresque musical entraînante.