samedi 26 décembre 2009

Avatar - critique -

Jake Sully, un ancien marine devenu handicapé, est recruté par une élite commando pour aller sur Pandora dont le but est de récolter un minerai extrêmement rare, nécessaire à la survie des ressources naturelles de la planète Terre. Grâce à un avatar, un corps modifié génétiquement à partir de l'ADN humain et Na'vi (une race vivant sur Pandora), Jake a pour mission d'infiltrer ce peuple et récolter ainsi de nombreuses informations. Mais Jake fini par s'attacher aux Na'vis, au grand dam des humains, provoquant une guerre inévitable...
Douze ans que James Cameron n'était pas revenu aux commandes du grand écran après son superbe Titanic, qui avait raflé une dizaine d'oscars en 1997. Douze ans aussi que James Cameron s'est attelé à penser Avatar, son monde, sa faune, sa flore. Parce que les moyens technologiques ne permettaient pas à l'époque de réaliser son rêve comme il le souhaitait, Cameron s'est efforcé de se montrer patient. 2009 : son bébé Avatar voit enfin le jour. Le résultat n'est pas grandiose. Plus que cela, il est indicible.
Mettons de côté la honte des trois euros supplémentaires pour visionner le film en 3D et l'hystérie collective des gens dans la salle, se piétinant littéralement pour accéder aux meilleures places, et attelons nous au long métrage lui-même. Conscient que ce qui va défiler devant nos yeux pendant 2H40 risque fort de changer notre approche du septième art, on s'assoit tout excité, n'y tenant plus et extrêmement curieux face à ce film dit "révolutionnaire". Bien que sentant l'effet 3D à ses débuts, le résultat est féerique à tous points de vue. L'univers de Pandora crée de toute pièce par Cameron, qui fait preuve d'une imagination rare et précieuse, vit. Oui, Pandora vit. Ces îles grandioses qui flottent dans le ciel, ces parterres d'herbes et de plantes magiques qui s'illuminent au gré des pas, ces lumières surnaturelles... tout est réaliste et on marche à fond dedans. Cameron écrase tous ces compères de par la maîtrise ahurissante du numérique. La représentation virtuelle des Na'vis et leurs expressions faciales sont exceptionnelles. La caméra, quant à elle, n'est pas seulement là pour être une machine à blockbuster. Elle sillonne les vallées de Pandora avec une telle virtuosité, dépasse les limites de l'inimaginable avec une telle force qu'elle confère à James Cameron le statut d'un cinéaste en avance sur son temps. Nous le savions déjà avec Titanic, qui pour l'époque avait ébranlé le monde entier. Mais avec Avatar, le monsieur se révèle surhomme. Et devant un tel boulot et une telle masse de travail, dont on ne percevra jamais toute sa démesure, on s'étonnerait même de ne pas avoir vu le cinéaste dans la rubrique nécrologique d'Hollywood pour cause d'épuisement.
Cameron aime jouer les funambules. A la frontière entre le rêve et la réalité, la corde raide est très étroite dans Avatar. Le premier plan du film renvoie au dernier : des yeux qui s'ouvrent vers un inconnu à parcourir. Le genre humain, lui, reste une pourriture capitaliste, éternellement cupide, qui ne vit que pour se sentir supérieure aux autres. Mais Cameron évite pourtant tout débordement manichéen. Par exemple, Trudy, incarnée par Michelle Rodriguez, a beau se rallier vers les Na'vis, il n'empêche qu'elle était quand même là pour appuyer sur la gâchette et verser sur la Nature ses missiles de feu. Savant mélange entre un Pocahontas (John Smith possède étrangement les mêmes initiales que le héros) et quelques influences prononcées pour Final Fantasy (l'arbre n'est pas sans rappeler l'Ifa dans le neuvième volet de la série), les références pleuvent. Avatar est un chef d'oeuvre de science fiction pure, qui ferait passer Star Wars pour une saga qui fait vraiment pitié. Tout n'est ici qu'expérience. Chaque effet pyrotechnique a son importance, les batailles ne lassent jamais et les 2H40 passent comme une lettre à la poste. Pandora nous a adopté, ou plutôt c'est nous qui avons adopté Pandora, et on ressort ainsi des salles en se dissuadant malgré tout de la beauté de notre planète, sans cesse bulldozée hélas par l'inconscience de notre espèce.
Cameron est un génie. Et toutes les personnes raisonnables ayant vu Avatar ne pourront retirer ces paroles de ma bouche. Avoir patienté plus d'une décennie pour être le témoin d'un tel évènement dans l'histoire du cinéma est un vrai privilège, pour nous et pour nos yeux. Et pourtant, Cameron l'a fait. Avatar est juste parfait, de ses acteurs à son formidable scénario. Et surtout, il constitue un tour de force où l'émerveillement et ce sentiment d'appartenir à une autre planète sont le résultat d'un fabuleux théâtre vivant et écologique. Cyber-opéra conduit par l'orchestre du fidèle James Horner, Avatar est une grosse claque qu'on aime recevoir et où l'on n'hésite pas une seule seconde à tendre l'autre joue. Et il risque bien de détrôner le record d'oscars établi par Le seigneur des anneaux. Mais dans le fond, est-ce si important ?

vendredi 11 décembre 2009

Le Bélisaire

Franchie la porte d'entrée, vous voilà retrouvés dans une faille temporelle à mi-chemin des trente glorieuses et de l'époque d'après-guerre. Le Bélisaire, situé dans le XVe, se veut un peu comme un lieu secret, implanté à l'écart de la très commerçante rue de la Convention. La façade rouge et l'intérieur rustique, tamisé et meublé comme dans l'ancien temps, assurent un petit côté rétro très agréable et une ambiance des plus conviviales. Le personnel est accueillant et sympathique. Niveau menus : trois formules. Entrée/Plat/Dessert pour 32 euros ou Entrée/Plat ; Plat/Dessert pour 28. Vous aurez un large choix pour le vin et bien sûr du pain à volonté. Le repas du midi est assurément moins cher (et moins bruyant).
Les ravioles à la sauce langoustine sur jeune de poireaux aux homards fondent sous le palais de la bouche ! Les cuisiniers, créatifs et amoureux de leur métier, amènent une certaine fraîcheur dans la composition des assiettes, sans aller jusqu'à être tape-à-l'oeil. Le cabillaud cuit à la vapeur d'algue avec son accompagnement d'oignons et de poires ravira les amateurs de sucré-salé. Un mélange étonnant qui peut faire tiquer mais qui se marie finalement très bien. Pour les papis gâteaux, vous aurait le droit à des salés bretons en dessert avec son coulis de framboise ou encore à un moelleux au chocolat avec son sorbet. Rien de très original certes, mais servis impeccablement dans une belle décoration peaufinée. De plus, ce est qui appréciable dans ce restaurant, c'est le changement continuel des menus selon si vous y êtes au déjeuner ou au dîner. Ainsi, cette belle présentation, ce travail bien fait et le rapport qualité-prix confortent l'idée selon laquelle ce sont toujours dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes. Et que ce sont bien souvent les restaurant les plus retirés des artères parisiennes qui doivent attirer l'attention.

Nom : Le Bélisaire
Accès : 2 rue Marmontel M° Convention (ligne 12) dans le XVe. Du Lundi au vendredi de 12 à 14 et du lundi au samedi à partir de 20h.

mercredi 9 décembre 2009

Le crime de l'Orient Express - critique -

Hercule Poirot, en vacances à Istanbul est sur le départ pour Calais. Son ami Monsieur Blanchet, le directeur de l'Orient Express, l'invite à séjourner dans son train. Mais c'est alors qu'un crime a lieu. L'un des passagers, Monsieur Ratchett, est retrouvée lardé de coups de couteaux. Poirot décide de mener son enquête...
Qui n'a jamais entendu parler de l'un des plus célèbres romans d'Agatha Christie Le crime de l'Orient Express ? Véritable chef d'oeuvre, ce roman d'enquête policière voit sa plus belle adaptation au cinéma en 1974 grâce à Sydney Lumet. Parce que le cadre se situe dans l'un des trains les plus idylliques et les plus mythiques qui soient, parce qu'il vient s'y greffer un casting prestigieux, d'un grand standing où Lauren Bacall partage la vedette avec Sean Connery, Jacqueline Bisset avec Ingrid Bergman... le film lui-même incarne un vrai fantasme. Il suit scrupuleusement l'intrigue du livre et respecte avec fidélité la personnalité de chaque personnage. En cela, la classe de Mme Hubbard, le flegme britannique du colonel, la beauté de la comtesse Andrenyi ajoutent un plus considérable dans cette galerie de personnages truculents. Le film est évidemment l'occasion pour Poirot de mettre ses cellules grises à rude épreuve et même si c'est une habitude chez Agatha Christie de poser le postulat de base : "Qui a tué Mr X ?", les révélations finales se révèlent toujours incroyablement bien huilées, et le crime de l'Orient Express ne déroge pas à la règle (Poirot se verra même être par moment courroucé par les suspects). Chaque plan a son importance et l'enchaînement des séquences ne provoque jamais de bâillements. La musique suit bon "train" et les costumes du début du XXe siècle sont à tomber par terre. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le film s'est vu être nominé à six reprises (Meilleur acteur, actrice dans un second rôle, adaptation, costume, musique originale, photographie) et qui ne se verra être décerné que par une seule statuette, pour la performance d'Ingrid Bergman en femme bigote légèrement attardée. Embarqué dans ce voyage hivernal, vous n'aurez plus envie d'en sortir tant l'ambiance qui s'en dégage reste hypnotique (que le réalisateur accentue avec des jeux de lumières forts maîtrisés entre fumée de charbon dans la gare et néons aveuglants du train). Le film rend ainsi sans difficulté honneur à l'une des romancières britanniques les plus connues de son temps et peut figurer parmi les adaptations les plus réussies du septième art. L'on regrettera juste notre regretté Peter Ustinov, absent sous le masque de Poirot, au profit d'Albert Finney qui malgré tout tire plutôt bien son épingle du jeu.

vendredi 4 décembre 2009

Dans l'appart III



Amateur de sculpture, de laque sur plaque vernis, de photographies en noir & blanc et de peintures, cette exposition artistique multi-disciplinaire vous tend ses bras le samedi 5 et dimanche 6 décembre de 14 à 20h en face des Tuileries. Cet appart III regroupe le travail de quatre grands artistes au devenir très prometteur, quatre grands artistes qui exposent leurs intimités et leurs univers. Respectivement, les voici :

- Benjamin Georgeaud
- Cristelle La Bloas
- Julien Horon
- et ma très tendre amie Beth Anna Hynum

Pour ceux qui n'auront pas la chance d'assister à cet évènement, je vous offre cette petite galerie de quelques peintures présentes sur place de Beth Anna. Pour reprendre certains termes de la biographie que je lui ai consacré (http://cheztom-tom.blogspot.com/2009/10/biographie-sur-beth-anna-hynum.html), la Femme prend à travers ses toiles et sous sa gouache des apparences de sirènes éperdues qui, derrière des contours glacials et des ombres ténébreuses, réussissent à procurer une sensation de chaleur enivrante. Les femmes sont dans le secret et dominent le monde, à travers leur jeux de regard qui nous interrogent sur leurs expériences.
On voit bien que Beth Anna aime construire un paradoxe pictural où la couleur n'est jamais ce qu'elle semble être. Ainsi, le violet ne se verra pas comme une couleur d'initiation au sens ésotérique du terme. Elle sera une couleur perturbante qui dénonce la douleur, le cri, les déchirures de l'âme et la pénitence.
A contrario, le noir est illuminé d'un sombre bleu délivrant un séraphin dont les ailes auraient brûlées... un clair-obscur symbolique qui n'est pas sans rappelé les oeuvres du peintre Eugène Carrière, adoucissant et tempérant les formes pour faire ressortir le corps et le visage.
Le choix d'une telle anthologie conforte l'idée selon laquelle la jeune femme réserve encore bien des surprises et ne pose aucune barrières et limites à la profusion de son imagination.
Son travail, propre, lisse, fastidieux, touchant, érotique et délicat, interpelle à tous les égards.

Nom : Dans l'appart III
Tarif : Gratuit
Accès : 244 rue de Rivoli M° Tuileries/Concorde (ligne 1) Ouverture : samedi 5 et dimanche 6 décembre de 14 à 20h. Sonnez "Antoine Bassot".

mardi 1 décembre 2009

Le drôle de Noël de Scrooge - critique -

Ebenezer Scrooge est un vieillard détestable, radin et asocial. Il s'enrichit en solitaire, obsédé par sa bourse et dédaignant tout le monde. Le jour de Noël approche. C'est alors que la veille du 24 décembre, Scrooge reçoit chez lui la visite de trois esprits, venus le hanter le temps d'un soir pour lui donner une petite leçon...
On connaît tous le célèbre conte de Charles Dickens "A Christmas Carol" qui a vu plus d'adaptations sur le petit et grand écran que n'importe quelle autre histoire. Robert Zemeckis reprend donc ce classique et nous offre un mois avant les fêtes l'occasion de revisiter ce mythe à travers une animation graphique qui n'a rien à envier aux récentes superproductions. Il a su retenir les défauts du Pôle Express pour magnifier davantage les expressions de visage. La création de Scrooge, sur qui pivote tout le film, est bluffant de réalisme jusqu'aux reflets des personnages qui apparaissent dans sa rétine aux pores de la peau d'une barbe mal rasée. Les emprunts faciaux de Jim Carrey sont vite repérables et l'on se surprend même à nous questionner par moment sur la réalité de certains passages tant les décors poussent dans les derniers retranchements de l'avancée technologique en matière d'animation 3D. Ainsi, on sera vite indulgent devant la négligence de certains personnages secondaires (comme la famille de l'associé de Scrooge, au visage très poupée russe) au profit de cette prouesse impressionnante mêlant jeux de lumières et effets spéciaux incroyables. Zemeckis a voulu nous en mettre plein les mirettes en ces périodes de fin d'année et c'est pari réussi. L'aventure est magique et répond aux parfaits clichés de Noël (une bougie qui se consume au premier plan, les cantiques chantés dans la rue, la grosse dinde fumante prête à être partagée par les hôtes, les flocons par milliers, les illuminations enchanteresses...) avec une sauce catholique pour faire couler le tout et une morale bien pensante qui touchera les plus grands comme les plus petits.
Pour accorder une importance à l'histoire même, il est intéressant de remarquer que Zemeckis a semble t-il voulu être le plus fidèle possible. Très linéaire, parfois même déroutant de simplicité, Le drôle de Noël de Scrooge est, quoiqu'en pense certains détracteurs devant tout ce déballage féérique, un bien beau conte macabre. Le film se veut résolument noir, presque scabreux, qui sera clairement inaccessible pour les enfants de moins de 10 ans. La profondeur de l'histoire, des caractères de ses personnages, de la maturité des leçons qui en découlent, les clins d'oeil ricochant une Angleterre victorienne dichotomienne avec les pauvres d'un côté et les riches de l'autre, ne manqueront pas d'interpeller les esprits des adultes qui y verront une occasion de souligner l'intellect de cette oeuvre et les nombreuses interprétations qu'elle permettra de faire. Par exemple, le personnage haineux de Scrooge est à voir comme la marque d'un capitalisme triomphant qui a anéanti un être humain, préférant s'enterrer en solitaire avec ses biens matériels plutôt que d'avouer publiquement sa grande pauvreté d'âme et sécheresse du coeur. Ainsi, l'intemporalité et l'impact de ce conte un siècle après font toujours mouches et on remerciera le réalisateur de ne pas avoir niaiser tout son film dans une production où le bon sentiment coule à flot. Hélas, au delà de cette simple richesse visuelle, l'on pourrait reprocher à Zemeckis d'avoir exagérément utilisé les champs élastiques lors des voyages temporels de Scrooge donnant par là même un effet de gerbe au spectateur. Et puis, on est assez surpris de ne pas avoir eu le droit à davantage de poésie, ce qui peut paraître légèrement paradoxal. Les paroles sont débitées comme au théâtre et la mise en scène manque cruellement de personnalité.
Au final, je dirais que pour commencer le mois de décembre dans toute sa splendeur (marketing oblige), Le drôle de Noël de Scrooge constitue le parfait tremplin après la grisaille du mois de novembre. Sorti de ce contexte et de cette parfaite virtuosité technique et graphique, le film ne possède pas un réel intérêt à cause d'une poésie trop artificielle. Mais le principal est là : la magie de Noël que l'on cherche tous est belle et bien présente, et l'on ressort de la salle sourire aux lèvres en espérant voir tomber les premières neiges de la saison. Ça sent les marrons et le vin chaud à la cannelle tout ça !

dimanche 29 novembre 2009

Wells, ne voyagerait-on pas ensemble ?

A quoi ressemblait San Francisco en 1909 ? Et bien... réponse tout de suite via une caméra d'époque ! Comme la vie semblait moins insouciante...
C'est presque émouvant :-)

dimanche 22 novembre 2009

Au sec-OURS !

Le site de planetstupid a mis en lien une vidéo qui fait son petit buzz du moment. Il met en scène des ours polaires qui, à cause des vols aériens à répétition, sont les principales victimes de ce réchauffement climatique. Jusque là rien de bien surprenant, bien que représentant un constat qui fait peur. La nouveauté vient ici du fait qu'il pleut des ours sur la ville pour montrer "l'impact" que produisent ces avions sur ces animaux. Autant dire la mort...

"We have a problem. We're flying too much, and it's changining the earth climate. Aviation is the fatest growing cause of climate change. But instead of doing anything about it, the government is planning more flights and and larger airports".
Le problème est suffisamment mis en évidence dans ce paragraphe pour en venir à la traduction...

vendredi 13 novembre 2009

2012 - critique -

Le peuple Maya l'avait prédit : le 21 décembre 2012 annoncerait la fin du monde terrestre. Certains contestent cette prédiction, d'autres l'approuvent. Mais une chose est sûre : la civilisation Maya était considérée comme l'une des plus intelligentes jamais apparues. Dans ce cas, qui croire ? C'est alors que quelques jours avant cette date fatidique, l'écorce de la croûte terrestre se fracture, et plonge les Etats-Unis dans le commencement de la fin...
Roland Emmerich est un vrai mordu du cinéma pop-corn catastrophe. Après le jour d'après qui en avait mis plein les mirettes dans les salles de cinéma, et remettant en cause par la même occasion la question écologique de notre planète, Emmerich se sert cette fois-ci d'un phénomène à la mode, celui de la fin imminente du monde qui glace déjà d'effroi les superstitieux. Belle occasion voit-il d'en faire le chou gras pour son prochain film. Résultat : 2H40 de manèges spectaculaires qui fait finalement de 2012 une belle daube.
"Belle" car cette oeuvre cinématographique, visuellement, l'est assurément. Ne faisons pas la fine bouche et surtout, ne boudons pas ce plaisir. Les trois quarts des gens (dont moi-même) vous diront qu'ils ont été voir ce film uniquement pour avoir le clapet fermé devant ces effets spéciaux bluffants à la pointe de la technologie. En matière de réalisme, Emmerich fait ce qu'il y a de mieux et réussit sans conteste un vrai défi : inondations gigantesques, séismes apocalyptiques, explosions atomiques... Tous les ingrédients pour vous faire décoiffer répondent présents à l'appel.
Mais "merde", le film l'est aussi. Et cela, dans tous les sens du terme. Tout d'abord, il ne faut pas être né de la dernière pluie pour comprendre que lorsqu'on se rend dans la salle, il faut avoir laissé au préalable son cerveau à la caisse. Le film accumule des incohérences grotesques et des clichés qui font plus qu'énerver le spectateur qui a conservé un tant soit peu son bon sens. Parce qu'il s'étale aussi sur une durée de 2H40 (une durée bien trop longue...), Emmerich n'est vraiment pas doué pour ce qui est de tisser les liens entre des personnages. Entre un vieux remake de la Guerre des mondes (le père divorcé qui vient chercher sa fille, et son fils qui l'appelle par son prénom) et des stéréotypes qui font mal et qui nous insupportent (un milliardaire russe véreux, une blondasse écervelée, une mère qui n'a jamais cessé d'aimer son ex, le président des Etats-Unis d'une grande noblesse d'âme...), le cinéaste abrutit son public en lui lynchant pendant 160 minutes une déferlante d'effets spéciaux dans la tronche espérant de lui qu'il ne remarquera pas les preuves tangibles de son scénario bancal. Rien n'est sérieusement expliqué dans ces prédictions ancestrales, aucune morale n'est à relever sinon douteuse du fait de montrer que la foi et la Bible nous sauvera peut-être tous (les références cachées du texte sacré en la construction de l'arche qui rappelle celle de Noé). Et surtout, on ne comprendra pas cet humour omniprésent, superflu et artificiel, qui n'a rien à faire là, avec son lot de trublions et de subalternes transparents qui ne font même pas office de second rôle.
Parce que 2012 est un bon film en cela qu'il détend et qu'il nous permet de faire un grand-huit à nous en donner le tournis, Roland Emmerich mérite qu'on lui baise les pieds. En revanche, il aurait pu raccourcir le long métrage de quelques minutes et surtout, instaurer un scénario plus élaboré car marre d'être pris pour des quiches consentantes. Et ce que nous lui pardonnerons pas par dessus tout, c'est son écœurante hypocrisie. Le film est à la presque gloire du continent le moins riche de toute la planète, le faisant passer du statut de "tiers-monde" à "nouveau monde", alors que monsieur le cinéaste a du réunir près de 250 000 000 de dollars pour produire son petit bébé. Proprement scandaleux.

vendredi 30 octobre 2009

Biographie sur Beth Anna Hynum

A tous les esthètes (et les autres bien sur), vous trouverez ci-dessous la très courte biographie que j'ai écrite sur une artiste-peintre à l'avenir prometteur : Beth Anna Hynum. L'interview qu'elle m'a généreusement accordé m'a en effet permis de saisir quelques informations indispensables pour comprendre le personnage : des détails sur sa vie personnelle mais aussi quelques clés pour entrer dans son univers graphique.
Enfin, vous trouverez un lien internet qui vous permettra de visiter son site perso (un lien que j'ai d'ailleurs mis à plusieurs reprises dans certains billets). Naviguez bien !
(photo de Eric Besnier, 2008)

Née le 15 février 1983 en Papouasie-Nouvelle-Guinée, Beth Anna Hynum passe une grande partie de son enfance au sein d'un peuple indigène. Ses parents étant éducateurs et missionnaires, elle se met à voyager à travers le monde, partagée entre la côte californienne et les montagnes tropicales de son village natal. Puis, à quinze ans, c'est la révélation. Elle découvre les arts plastiques au lycée, et le verdict est sans appel : elle sera artiste-peintre ! Elle poursuit donc pour cela ses études supérieures à l'université de Point Loma Nazarene à San Diego.
En 2003, son école lui propose de mener un pèlerinage artistique en Europe afin d'approfondir ses connaissances. Elle est amenée à découvrir Londres, Venise, Florence mais aussi Barcelone et Paris. Son coup de foudre pour la "ville Lumière" est tel qu'elle décide de s'y installer et de suivre des cours dans le Wells College, une école d'Art rattachée à New York. Influencé par les oeuvres de Saville, Bacon, Delacroix ou encore Monet, le côté pratique de son travail s'en retrouve plus renforcé, renouvelant sans cesse sa technique au service d'un travail d'accomplissement personnel pertinent, méticuleux et très intime.
Si ses capacités ne cessent d'évoluer, c'est parce qu'elle est consciente du privilège d'avoir grandi étant enfant dans une culture radicalement différente de la sienne. Les rapports insolites qu'elle a entretenu avec un peuple primitif ont clairement irisé sa personnalité et développé son sens du toucher. Ainsi, de ses toiles carminées à ses tableaux monochromés (cf. Cityscapes), les couleurs font la vie pour Hynum. La Femme prend même sous sa gouache des apparences de sirènes éperdues qui, derrière des contours glacials et des ombres ténébreuses, réussissent à procurer une sensation de chaleur enivrante (cf. Annie).
Son travail parcoure des chemins diverses faisant preuve de son besoin de toujours vouloir se découvrir davantage. Parce qu'elle refuse le décalage physique entre la toile et elle-même ; parce que son pinceau, c'est sa main, elle a su épouser sa propre doctrine sans pudeur : son "Take hold of life" ("prendre la vie à bras le corps"). De cette philosophie en découle sa propre technique artistique qui tente dans ses toiles de sublimer la réalité. Au bout du compte, connaître le parcours de Beth Anna Hynum, c'est pouvoir d'ores et déjà s'emprunter un chemin vers son univers esthétique lumineux et étrangement fascinant.
"C'est l'abondance de la vie et des innombrables facettes de l'être qui m'intriguent et qui ne cessent de capturer mon attention. C'est pour cela que j'essaie de faire prendre conscience au spectateur de sa sensibilité, et pourquoi pas, à partir de celle-ci, d'élever son regard au-delà de sa position dans la société." Beth Anna Hynum

jeudi 29 octobre 2009

Micmacs à tire-larigot - critique -

Le père de Bazil meurt tragiquement dans le désert marocain en ayant découvert par hasard une mine explosive. Trente ans plus tard, c'est au tour de Bazil lui-même de manquer de chance : il reçoit une balle perdue en pleine tête... Guéri mais dorénavant à la rue, Bazil fait la connaissance d'une bande de curieux personnages, logés dans un grand tunnel recyclé en carrosserie et ferraille en tout genre. Puis un jour, Bazil se retrouve par hasard devant les immeubles des sociétés qui ont été responsables de ses malheurs. Il décide de se venger...
Huit ans après l'inoubliable, que dis-je, l'indétrônable fabuleux destin d'Amélie Poulain, Jean-Pierre Jeunet reprend les commandes pour notre plus grand plaisir. Même filtrage sépia dans l'image, même style dans la réalisation, la patte Jeunet est unique en son genre et redore le blason du cinéma français. Plus encore, les présentations avec de nouveaux personnages, le plongeon dans un nouvel univers procurent la même sensation que lors de ses précédents films. Une sensation magique qui se décuple à chaque plan qui passe. L'incroyable imagination de ce talentueux cinéaste va de pair avec son incroyable capacité à pouvoir nous la montrer sans retenue. On sent tout l'amour qu'il porte au septième Art ce qui confère à Micmacs à tire-larigot un film intemporel en hommage à tous les autres. L'oeuvre de Jean-Pierre Jeunet est à voir comme l'abri recyclé où séjourne la bande : une véritable récupération des classiques du genre, de Casablanca à Tex avery.
Une fois de plus, Paris est ici peint "à la Jeunet", baignant dans des tons chauds, dans un ciel marbré de nuages ocres et d'un gris lumineux, et toujours ce jaune saturé qui permet de donner un effet carte postale dont les contours auraient vieilli avec le temps qui passe. On pourrait presque croiser Amélie ou Nino Quincampoix dans le quartier de la Goutte d'or ! Et quant au fort d'Aubervilliers, il passe même pour un lieu enchanté, où se promener sous le périphérique est enclin à séduire n'importe qui. Micmacs à tire-larigot ou le rêve dans toute sa splendeur, entre un humanisme touchant et une ambiance qui hypnotise littéralement.
En terme de scénario, tout n'est que trouvaille (mais sur-alambiqué peut-être). La bande de Bazil, tous farfelus et attachants, constitue le noyau même du film. Enchaînant des gags hilarants, jamais poussifs, mais surtout les élucubrations de ces personnages, montant et démontant toutes sortes de plans ingénieux, le film n'ennuie jamais sinon d'agrafer un permanent sourire. Notre cerveau, scindé en deux, répond d'une part à l'enfant qui ne nous a jamais quitté, dont les yeux brillent devant tant de second degré magnifique ; d'autre part à l'adulte, dont la maturation sert à percevoir et respirer la magie quand elle est présente. Dany Boon est bien plus mis en valeur que lors de ses précédents films et témoigne correctement d'un jeu confortable dans son domaine, celui de la comédie. La prestation de chacun ne faiblit jamais, Yolande Moreau toujours en forme, et Dominique Pinon en éternel looser attendrissant.
La créativité de Jeunet paraît décidément sans faille et sans limite. Le débordement de passion qui anime la personnalité du monsieur s'offre à nous comme un très beau cadeau, preuve que le cinéma d'auteur est ce qui se fait finalement de mieux. Bien que se positionnant parfois dans un parti pris politique qui aurait pu tourner plus court dans certaines scènes, Jean-Pierre Jeunet est la preuve vivante que le talent, le vrai, se renouvelle sans arrêt. La magie du cinéma ici prend tout son sens ; Micmacs à tire-larigot est une déclaration d'amour et un enchantement pour le moral, ce qui se fait avec les temps qui courent trop rarement hélas.

mercredi 28 octobre 2009

Super-Délires

Agan Harahap, un photographe indonésien né dans les années 80, s'est servi de ses talents pour mettre en scène un concept qui est plutôt le bienvenu : celui d'incorporer nos super-héros dans des clichés qui soulèvent quelques périodes les plus noires que l'histoire de l'humanité ait connu. Le rendu est plus vrai que nature. Ainsi, on a le droit à Superman qui pose à côtés des allemands nazis ou encore à Dark Vador en pleine conférence de Yalta (février 1945) ! Pour plus de clichés, voici la source :

samedi 10 octobre 2009

eL ednom à srevne'l ?

nE tnaugivan nu uep rus el ten, ej sius èbmot rus nu elcitra etilosni tnanetnoc sed snoitatnesèrper seuqiritas ed ertê'l niamuh. seL sotohp, sért neib seuv, tnelrap zessa semêm-selle'd. srolA tôtulp nu'uq gnol sruocsid, iciov sec segami... iuq tnenneiv riloba egavalcse'l sed stejbo rap emmoH'l.

jeudi 8 octobre 2009

Le Parfum, histoire d'un meurtrier - critique -

Jean-Baptiste Grenouille naît en 1738 derrière un stand de poissons tenu par sa mère infanticide. Destiné à être mort-né, le bébé contracte aussitôt une exceptionnelle faculté de l'odorat, le confinant comme l'unique homme étant capable de sentir la moindre parcelle d'un lieu, le moindre atome constituant un objet, un végétal, un animal ou même encore un être humain. Puis, Grenouille grandit et réussi à se faire engager par le parfumeur Baldini. Il peut ainsi se laisser aller librement à sa seule passion : celle de découvrir des nouvelles odeurs. Grenouille se met alors en tête de créer la fragrance idéale, celle qui pourra charmer n'importe qui. Pour cela, il doit collecter le plus pur des parfums : celui des jeunes filles...
Quelle mystérieuse histoire que celle de Jean-Baptiste Grenouille. Né de l'imagination de l'écrivain allemand Patrick Süskind, Le Parfum est d'abord une oeuvre qui a séduit le monde entier de par le caractère presque olfactif qui se dégageait des pages (une sensation jusque-là inconnue), mais aussi par cette incroyable narration sur le trépas d'un homme hors du commun. Tom Tykwer s'est donc attaqué à réaliser une oeuvre jugée inadaptable sur grand écran. Et pourtant, le résultat est loin de se révéler casse-gueule. Par de grands procédés cinématographiques (avec notamment des effets appuyés sur les premiers plans et des zooms), le cinéaste rend compte de l'importance primordiale que devait absolument tenir la place de l'odeur dans le film. L'insalubrité, la saleté, l'impureté même des lieux en ce Paris du XVIIIe siècle donne une légère nausée au moindre plan sur un poisson vidé ou la barbaque d'un animal, sur l'haleine fétide d'une personne, sur l'immondice qui devait imprégner chaque ruelle de la capitale ou encore sur la crasse qui devait y maculer chaque recoin. De ce côté-là, le défi est grandement rempli. On est surpris qu'il est même osé adapter si crûment la scène de l'accouchement, d'une atroce barbarie, qui pourtant se doit obligatoire pour comprendre le personnage de Grenouille depuis les premières secondes de son étrange existence. Ensuite, il était important de souligner, sans s'y éterniser, l'aspect violent qui régnait de main de maître dans cette époque d'après-Renaissance, comme une politique qui condamnait les plus faibles à se faire détruire légalement par les plus forts. Le film se dit montrer des scènes pouvant choquer la sensibilité des plus jeunes, il n'en reste pas moins clairement violent et réellement choquant lors de certains passages. Pour faire donc bref sur cet aspect du long métrage, nous évoluons sans conteste dans un Paris plus vrai que nature sur l'aspect putride des lieux et sur la gueuserie qui habitait le peuple, réduit à l'état primitif, mangeant comme des chiens et vivant comme des animaux sauvages.
L'oeuvre de Süskind possède une telle richesse qu'avec un peu de bon sens, il ne fallait pas être bien sot pour comprendre que Tykwer avait intérêt à respecter la trame du bouquin à la lettre. Ensuite, la musique, à tendance lyrique, ajoute beaucoup à l'atmosphère du film, se réussissant même d'accomplir le miracle d'apporter une note de pureté dans ce monde infecte. D'ailleurs le Parfum, ce n'est que cela : ce constant jeu sur la contradiction qui l'élève comme un objet fantasmagorique et fascinant. Pour ne citer qu'un exemple parmi tant d'autres, il est amusant de constater que Grenouille doit tuer des jeunes filles pour récolter le Parfum ultime. Pour ainsi dire, il doit commettre le crime le plus impardonnable et le plus incompréhensible qui soit pour satisfaire ce dont tout homme n'est en mesure de créer dans ce bas monde : le presque pouvoir divin car à "celui qui maîtrise les odeurs, maîtrise le coeur des hommes". Mais Tykwer a peut-être voulu en faire trop de ce point de vue là. Il a en effet préféré choisir au personnage de Grenouille un acteur au visage séraphique plutôt qu'un être laid originellement. Tykwer a révélé lui-même qu'en lisant le livre, les gens n'avaient pas peur de l'aspect repoussant et cabossé de Grenouille mais bien de sa capacité à saisir l'essence même de chaque chose. Son choix peut donc paraître légitime, même s'il peut inspirer les pires inquiétudes aux yeux de l'écrivain. Visuellement, c'est le même combat. Bien que l'image et les effets visuels sont impeccables et nous permettent d'avoir le luxe privilégié d'assister à une vraie renaissance de cette Post-Renaissance, on pourra reprocher au réalisateur de s'être trop attardé à avoir policé sa pellicule comme un maniaque, conférant hélas au long métrage une sorte de dégueulis à mi-chemin du baroque et du classicisme. Le Pont au Change procure la sensation bizarre d'être davantage en face d'un effet de science-fiction plutôt qu'à la réalité historique de l'architecture.
Tykwer a respecté l'univers de Süskind en accordant de l'importance à chaque scène. Le passage de Grenouille chez Baldini n'a rien de bâclé et le fait d'avoir attribuer autant de considération sur les errances nocturnes de Grenouille et les crimes qu'il commet méritent les éloges. Le contraste des couleurs qui s'impose nous fait découvrir ses assassinats comme de vraies toiles d'art à la frontière d'un Vermeer et d'un Ingres ! Ce subtil dosage savant rend incontestable la qualité du film. Entre ses exigences personnelles et le respect du livre, on sent que Tykwer n'a pas souhaité pondre un produit marketing hollywoodien, et a su très bien éponger la pression qu'il a du entasser sur ses épaules pour l'adaptation d'une telle perle littéraire. Le Parfum histoire d'un meurtrier se devait être confectionné aux petits oignons, avec des moyens financiers colossaux, une intelligence de base chez un cinéaste cultivé et amoureux du septième art. Comme c'est le cas, le film ne pouvait être que de bonne augure à sa sortie. L'expérience extra-sensorielle qui en ressort est impressionnante. Et surtout, Tykwer donne à son public l'envie de lire immédiatement le livre après le film, pour les retardataires "inexcusables" d'entre nous...

vendredi 2 octobre 2009

Le Petit Nicolas - critique -

Nicolas est un petit garçon qui aime bien sa vie. Il aime bien aussi sa maman et son papa. Il aime aussi sa maîtresse et ses copains de classe. Sa vie, il l'aime vraiment beaucoup. Mais un beau jour, les choses se gâtent. Nicolas est victime d'un quiproquo. Il pense que ses parents attendent un heureux évènement et suite à cela, Nicolas croit que ces derniers vont l'abandonner dans la forêt comme Le Petit Poucet...
Le personnage du Petit Nicolas est vieux comme les robes de ma mère. Crée dans les années 50 par Goscinny, le Petit Nicolas symbolise une enfance immortalisée par la douceur de la maison, les bons petits plats confectionnés par Maman mais aussi et surtout, les souvenirs d'école qui représentent l'insouciance et la meilleure période pour tout enfant. Le Petit Nicolas incarne depuis plus de cinquante ans une égérie de la France, cette période d'après-guerre où tout brille, tout le monde sourit et se parle avec un minimum de courtoisie. Une période où l'écologie était moins fracturé par les saisons bien respectées en ce temps et où chaque personne tenait sa propre place dans la société suivant son âge. Les enfants sont des enfants. Les adultes sont des adultes. Le Petit Nicolas, c'est la vraie madeleine proustienne pour celui qui a senti dans les pages des livres, l'encens de sa propre enfance et des goûters de 4h préparés avec amour par Maman dans son beau tablier. Laurent Tirard s'attaque donc à un pilier de la littérature enfantine française et il savait déjà, avant même de commencer à faire tourner sa première bobine, qu'il allait se mettre sur le dos tous les réfractaires pour la transposition d'une telle oeuvre soi-disant inadaptable au cinéma, n'en déplaise au Monde ou aux Inrockuptibles. Le film s'en sort avec la mention "Très Bien", grâce au grand soin apporté au film et à la présence d'acteurs tous plus joyeux et légers les uns que les autres.
Le petit Nicolas permet à Kad Mérad de faire son grand retour depuis la vague des Ch'tis, et à Maxime Godart de se faire connaître du public. Parfois un peu trop lisse dans ses expressions et pas assez espiègle, il ne détruit pas pour autant son personnage d'origine. On le sent complètement investi, et son assurance ainsi que ses drôleries rattrapent sans mal les petits défauts qu'il cantonnait sur son dos. Le film a justement évité de se centrer de façon égocentrique sur son personnage au détriment des autres car tous ses copains, qui sont aussi le moteur des histoires du livre, trouvent refuge dans des premiers rôles et non dans des seconds plans. Malgré des scènes parfois très désarticulées, l'univers dans sa globalité est bien respecté : Clotaire, le cancre, qui n'a pas fini de nous émouvoir par ses expressions désabusés, Alceste, le boulimique, qui se met en rogne s'il n'a pas eu son compte de bouffe pour la journée ou encore Geoffroy, dont le papa est très riche. Cette belle photo de classe assure évidemment la promotion du film, et peut se targuer d'avoir satisfait nos espoirs au delà de nos attentes.
Le film a eu aussi la merveilleuse idée de reprendre la narration de Nicolas. Tout le film est donc raconté dans un langage d'enfant, entre jeux de mots et quiproquos grotesques, et donne le sentiment d'inviter son spectateur dans un retour à l'innocence, où les gags n'étaient jamais bien méchants et où nous avions aucun problème dans nos existences si ce n'est de rendre en temps voulu les devoirs pour l'école. Le générique à lui seul mérite le déplacement. Ingénieux et d'une belle écriture scénaristique, il plonge d'emblée les bases de cet univers, cette belle France d'Epinal à jamais perdue, faite de DS roulant dans les rues en pavés ou bien de policiers moustachus sur leurs vélos vêtus de leur cape noire. Si bien que le film terminé, le retour en 2009 à l'extérieur se ferait presque douloureusement.
Laurent Tirard a su donc pondre une magnifique adaptation du Petit Nicolas, en ayant veillé à respecter scrupuleusement son monde et son beau petit entourage. Tout le monde y trouve son compte. Même du côté des adultes, rien n'en pâtit. Valérie Lemercier et Kad Mérad nous offre un beau duo comique, entre un dîner qui vire à la catastrophe et les grimaces du père pour faire rire son enfant. Définitivement, nous tenons là un beau film en attendant Micmacs à tire-larigot, qui vient prouver une fois de plus que le cinéma français excelle dans ce qui n'est pas de recopier les schémas hollywoodiens de nos compères américains.

jeudi 1 octobre 2009

Morse - critique -

Oskar est un petit garçon de douze ans qui vit en marge de la société. Martyrisé par ses camarades de classe et éduqué par une mère quelque peu possessive, Oskar ne trouve de refuge que dans une cabane, laissant ainsi libre cours à son imagination pour s'inventer toutes sortes de vengeances. Puis arrive Eli, jeune fille brune qui emménage dans le même immeuble.
Une série de meurtres intervient aussitôt : des victimes vidées de leur sang et comportant des morsures au cou. Oskar réalise alors qu'Eli est un vampire. Et cela ne fait que souder davantage leur complicité...
Oubliez tout les films, téléfilms et séries que vous avez pu voir sur le thème du vampire ou sur toutes créatures s'en rapprochant. Oubliez tout cela, car avec Morse, c'est plus qu'une relecture du genre que nous avons à faire, mais à un lifting total de la créature tant connue. Morse constitue en effet une claque monumentale à la fois violente et poétique, un petit bijou signé le suédois Tomas Alfredson.
Tout le film se veut épatant. Engouffré comme dans une nouvelle dimension, on assiste au destin d'un petit garçon solitaire pas très net dans sa tête dès le départ à jouer du couteau dans le vide. Avec ses cheveux blonds et sa peau de lait, il est le parfait symbole de l'innocence, aussi pure que la neige immaculée qui verse les décors sans âme de la ville. Et pourtant... Cette couverture trop lisse est grandement éclaboussée par les rejets de sa conscience humaine. Il nourrit une passion morbide pour la collection d'articles de journaux sur les accidents et les décès qui interviennent au quotidien ; et sa vision du monde est d'une telle maturité qu'il accepte même son statut de victime en s'imprégnant de la douleur violente que lui inflige physiquement son tortionnaire à l'école. Oskar va donc très loin pour ce qui est de s'introspecter, mais n'a pas le corps matériel nécessaire pour faire face à ses ennemis (d'où ses entraînements en haltérophilie, en vain). Mais là où l'idée d'Alfredson va révolutionner le genre, c'est qu'il fait intervenir la créature du vampire afin de compléter le personnage d'Oskar. Plus qu'une simple apparition aux multiples effets racoleurs, le vampire qui habite Eli, tout en cheminant les codes conventionnels liés au mythe, est le côté animal de la jeune fille qui doit se nourrir du sang des autres pour survivre. Après, dépassé ce schéma-là, Eli reste malgré tout une petite fille comme les autres. Elle recherche le besoin de se faire un copain (peur de la solitude), se dégoûte elle-même de certains de ses actes (preuve que le vampire peut-être doté d'une âme) et n'est pas complètement fermée sur les activités des autres (Oskar lui prêtera même un jeu). Alfredson ne s'engage donc pas à étayer une vision horrifique et cauchemardesque du vampire, il élabore son point de vue avec le moins d'artifice possible et en essayant de concilier poésie avec pessimisme. En effet, les quelques plans sur la neige qui tombe du ciel, ces paysages glacés de Suède en pleine nuit, ce blanc sur fond noir, sont d'une éclatante beauté horrifique, une pièce maîtresse qui fait partie intégrante de cette oeuvre.
Finalement, les actes d'Eli ne sont pas plus condamnables que ceux perpétués par le clan qui font d'Oskar sa tête de turc. Même s'ils sont davantage explicites chez Eli, son excuse serait qu'elle est forcée de tuer pour survivre. Or, les autres sont bel et bien humains, qui ont choisi de vivre volontairement dans leur anarchisme. Leur comportement est d'autant plus inquiétant qu'ils semblent se nourrir de la peur de leur victime afin de se donner une meilleure image d'eux-mêmes. Tomas Alfredson nous livre là un constat d'une déprimante justesse dont la construction de notre propre humanisme se fait dès l'enfance. Si à douze ans, Oskar semble déjà altéré, c'est qu'il est condamné comme Eli à errer par delà les frontières de notre âme. Cette intensité, nous la ressentons tout au long de Morse sublimant sa valeur par l'atmosphère générale d'une froideur baroque conciliée avec un léger classicisme. Dans Morse, pas de d'ail ou de croix pour chasser le vampire. Ni de cercueils et de canines pointues. Pas de caricatures ou d'effets grands guignolesques. Dans Morse, c'est l'angoisse d'une ombre qui se cache dans les endroits sombres, l'obligation chez le vampire de vivre la nuit et de devoir être invité dans un lieu pour y entrer. Les acteurs qui jouent les deux enfants sont fantastiques à tous les niveaux, et la réalisation de Tomas Alfredson veut son importance dans chaque plan. Osant le pari insensé de proposer une nouvelle lecture sur le personnage du vampire, Alfredson a transcendé tout ce qui a pu être réalisé auparavant sur ce thème. Le prochain cinéaste qui s'attellera à bâtir son prochain film dans ce même gabarit a bien du boulot devant lui. Car pour avoir su si bien associé beauté avec horreur et poésie avec violence dans l'univers vampirique, Alfredson a manifestement marqué les esprits Hollywood au fer rouge pour que ces derniers lui aient proposé d'en faire déjà un remake...

dimanche 27 septembre 2009

Beyond good and evil : le test !

Jouabilité 3/5
Le titre se joue très agréablement mais l'on sera vite agacé par la caméra lors de certaines phases. Cela n'enlève heureusement pas le plaisir de diriger Jade, dont la manipulation ne fait jamais dans le complexe.

Graphismes 4/5
Le jeu date et rame sec, c'est indéniable. Mais pour l'époque, il apparaissait comme un véritable carton graphique, très travaillé sur les lumières. Les personnages peuvent paraître fades mais les décors sont spectaculaires et incroyablement personnalisés.

Son 4/5
Avec un doublage signé Emma de Caunes pour ne citer qu'elle, la barre ne peut-être que placée haute ! Et les musiques, superbes, ajoutent une vraie essence au jeu.

Durée de vie 4/5
15h pour boucler l'aventure intégralement, c'est très court. Surtout quand les personnages sont si attachants. Mais la qualité du bonheur procuré efface ce petit défaut sans problème. Comme on dit, il vaut mieux que ce soit court et bon que long et ennuyeux.

Le meilleur
Un scénario de qualité avec plein de rebondissements. Un doublage impeccable. Un jeu à la forte personnalité.

Le pire
Une caméra capricieuse et une durée de vie trop brève.

Beyond good and evil, qui reprend le titre de l'oeuvre du philosophe allemand Nietzsche, est un très beau jeu dont rien n'a été bâclé. On ne comprend pas qu'il est attiré aussi peu de monde à sa sortie car ce titre vidéo-ludique, qui a été maintes fois récompensé, possède énormément de charme. On en oublie même les accrocs qui ponctuent l'aventure ! Avec son monde enchanteur et son scénario digne d'un film (des bandes 16/9 vous seront même imposées), Michel Ancel a su créer son petit univers à lui, avec une patte graphique personnelle. La french touch n'a donc pas fini de surprendre. Surtout que l'équipe planche actuellement sur la conception d'un deuxième volet qui, espérons-le, sera à la hauteur de nos espérances.

17/20

La proposition - critique -

Margaret Tate est une rédactrice en chef redoutée par tous, et surtout détestée. Alors qu'elle est menacée de se faire expulser des Etats-Unis pour expiration de sa carte de séjour, elle décide de frauder, en proposant à son assistant Andrew de se marier avec lui. Il accepte, mais à certaines conditions. Le couple se rend en Alaska chez Andrew pour annoncer leurs fiançailles. Petit à petit, apprenant à se connaître, ils vont se rendre compte que le plan ne va pas fonctionner comme ils l'avaient prévu...
Après les hilarants Miss Détective et Miss FBI, Sandra Bullock revient non sans mal dans le registre de la comédie. Le couple qu'elle forme ici avec Ryan Reynolds possède son petit charme il est vrai, mais en tant que film romantique qui pue-le-fric, La proposition répond à pratiquement tous les codes du film guimauve tire-larmes, un Sept à la maison de 1h50 où il flotte un cynisme trop gentillet et des gags complètement prévisibles. Personne ne rit dans la salle, des bâillements se font entendre. Pour un film qui se dit être une comédie, il y a donc un problème. Prenez un beau jeune homme canon tout en muscle, célibataire, et une belle et mince jeune femme bien habillée et bien coiffée, célibataire. Ajoutez à cela, le drapeau américain qui flotte dans le jardin familial, un toutou qui ne manquera pas d'attendrir les midinettes du public, le quota ethnique pour ne pas faire tomber le film dans le racisme primaire (une personne hispanique qui joue le trublion de service aux blagues pas drôles), des maisons de type présidentielle aux carrés de pétunias impeccables, et vous obtiendrez une vague idée de ce qu'est La proposition.
Ce qui peut sauver le film, ce sont l'ambiance générale de gaieté et la présence de Bullock/Reynolds. Hélas, la réalisatrice Anne Fletcher n'a pas compris que les comédies sentimentales américaines de ce type sont dépassées et qu'elle aurait pu réaliser grâce au casting, une comédie toute en finesse et relativement cinglante. Mais le trop plein de mièvreries et d'invraisemblances viennent tout gâcher (l'action se passe en Alaska et Bullock, en débardeur ?!, ne semble pas être altérée par le cycle très spécial du jour continu 24h/24). La mise en scène est plate comme un terrain de basket et surtout, le rôle attribué à Bullock en tant que méchante du film ne convainc absolument pas. Tout est cousu de fil blanc : Ils se détestent, ils se supportent, ils tombent amoureux, ils se séparent et... arrive le gros bisou final en premier plan avec applaudissements !
La proposition rime avec déception. Le film ravira les ados, qui ne remarqueront pas que, malgré la présence de Bullock et Reynolds à l'écran, nous avons à faire à une énième et une énième comédie sentimentale sans surprises où la politique du "tout le monde il est beau, il est gentil" se veut être la toile de fond. Pour les autres, au mieux, on réussira à vous tirer quelques sourires car le film a néanmoins le mérite de détendre l'esprit et de reposer la tête. Mais qu'il semble loin le temps de l'innovant, culte et excellentissime "Journal de Bridget Jones"...

vendredi 25 septembre 2009

Jane Eyre de Charlotte Brontë - critique -

Jane Eyre, une orpheline de dix ans, est recueillie par sa méchante tante dans le luxueux domaine de Gateshead. Mal-aimée, elle vit une enfance douloureuse faite de maltraitance, pour ensuite être envoyée dans un pensionnat de jeunes filles, le pensionnat de Lowood. Mais la vie y est aussi rude... Dix ans plus tard, Jane grandit. Ayant suivi un enseignement cultivé, elle est appelée comme gouvernante pour instruire Adèle, fille d'un riche propriétaire du comté, Mr Rochester. Jane s'engage alors vers une nouvelle vie, qui scellera à tout jamais son destin...
Il ne pouvait pas être concevable d'avoir lu le chef d'oeuvre Wuthering heights de Emily Brontë et ne pas lire ensuite Jane Eyre de sa soeur aînée. Car à l'image de sa cadette, Charlotte possède aussi un talent indéniable pour ce qui est de raconter une histoire et de décrire des sentiments. Le raffinement de sa plume, les épithètes élégantes, la musicalité des phrases, la cohérence du récit, la passion qui animent les personnages, la poésie qui transpire chaque ligne font de Jane Eyre un chef d'oeuvre absolu, doublé d'une histoire d'amour éblouissante. Mais commençons par le commencement. Ce qu'il convient de remarquer avant de s'atteler à une très brève analyse du récit, c'est que le roman est raconté du point de vue interne, à la première personne par Jane Eyre elle-même. Bien que l'histoire soit totalement fictive, on sent à travers cette femme l'ombre de Charlotte Brontë planer. Les similitudes entre la physionomie du personnage et le nom de certains lieux sont la preuve indiscutable que Charlotte essaya à travers son roman de rendre réel la fiction et de surpasser au-delà son talent d'écrivaine accomplie. Par exemple, Mary, Diana et St John Rivers ne sont en fait qu'une allusion à ses deux soeurs Emily et Anne, ainsi que son petit frère Branwell (qui avait un penchant pour l'alcool tout comme la geôlière Grace Poole). Autant d'échos et d'analogies qui se réverbèrent, faisant de Jane Eyre une possible autobiographie. Jane Eyre EST Charlotte, un personnage qui possédait un exceptionnel respect pour elle-même, une femme d'une grande noblesse d'âme pour qui la liberté féminine avait force de loi.
Jane Eyre dépasse de loin toutes nos attentes au démarrage de la lecture. Dès l'incipit, on se prend d'amitié pour cette petite Cosette anglo-saxonne maltraitée par sa tante. L'une des scènes phares du livre où la petite Jane est enfermée dans la chambre mortuaire de son défunt oncle est un sommet de climat anxiogène, si pesante et effrayante que Jane tombe "dans une sorte de syncope qui termina dans l'inconscience". L'écriture de Charlotte peut être aussi bien emprunte d'une riche et exceptionnelle poésie que de l'horreur la plus vraie. Ce qu'on aime dans le personnage de Jane Eyre, c'est sa droiture, son point de vue sur les mentalités, les moeurs, sa stricte displine. Pour elle, la richesse est superflue, et est un appât dont on doit se méfier : et pour passer par le bonheur et la passion, il faut vivre un durable calvaire qui débouchera sur la félicité. Du malheur naît le bonheur. Nous devons marcher sur des braises, nous emprunter de leurs brûlures et de leurs douleurs, comme pour ensuite être digne d'accéder au calme après la tempête. Chaque passage dans un lieu inconnu représente une écharde dans la main de Jane. Elle gravit le volcan de l'Enfer, entre une tante tyrannique, un directeur de pensionnat haineux et les tours que lui jouent son destin dans le domaine de Mr. Rochester. Sa vie, c'est un grand tour de montagnes russes où chaque boucle donne le vertige, où chaque impulsion avant une vrille provoque des débordements intérieurs incontrôlables. Heureusement, le tempérament et la niac de Jane lui font surmonter toutes ces épreuves. Presque surpuissante, elle sait déjà, enfant, ce qu'elle vaut et n'a pas besoin que Mr. Brocklehurst vienne lui citer la Bible et le passage sur le sort qu'on réserve aux mauvais enfants. Elle réussit donc à vivre dans son monde et semble s'être deja inculquée une certaine notion du bien et du mal.
Le roman est indéniablement emprunt d'une poésie très spleenienne, baignant dans un registre raffiné où la sensibilité de l'écriture, à fleur de peau, se noie dans l'empathie. Ce qu'on lit, on le ressent. Chaque détail a son importance : du tombé d'une feuille morte au rayon du soleil venant transpercer à coups d'épées la rosée du matin. On se représente très bien les personnages, Charlotte n'étant pas avare en descriptions. On aime se perdre dans les couloirs sombres du château, dans les plaines sauvages balayées par le vent des landes, dans les ciels marbrés de nuages blancs et gris. On s'étonne même d'avoir à faire à un simple livre et non pas à un film. La visualité est quasi cinématographique. Dans Jane Eyre, on touche, on sent, on voit, on goûte et on entend, un cocktail explosif des sens qui détonnera aux yeux du lecteur comme le moyen de se fondre dans un univers parallèle.
Mais noir et gothique, le roman l'est assurément aussi, noirceur qui est comme la marque de fabrique de la famille Brontë. Une mère qu'elle n'a jamais connu, un éditeur qui refusera toute sa vie de publier son roman The profesor, un petit frère qui sombre vite dans l'alcool, Charlotte traverse quelques dures épreuves de la vie et se décharge complètement dans sa fiction thérapeutique. Ses nombreuses sources d'inspiration démontrent sa grande culture générale : Bible, gazettes de sa région (dont l'article qui lui servit de point de départ à l'intrigue Rochester)... Et elle fait même figure de l'apprentissage de la langue française par le biais d'Adèle et de l'un des professeurs de Lowood, Mme Pierrot. Il est intéressant de voir comment une anglaise en 1847 se représente la France et les français, et le tableau qu'elle en peint n'est pas très flatteur. Paris est vu comme une ville libertine qui a conduit la Varens à l'adultère, Adèle (née en France) parait parfois très matérialiste lorsqu'elle exige de son père de lui ramener des cadeaux lors de ses voyages, et superficielle lorsqu'elle souhaite s'engager dans la même voie que sa mère (danser en tutu) plutôt que de s'étaler sur des problèmes mathématiques. La noirceur dans le roman atteint donc différents degrés : elle est moindre quand il s'agit pour Jane Eyre de simplement constater le monde qui l'entoure comme les aristorates qui viennent séjourner à Thornfield Hall (on rejoint les mêmes idées qu'Anne dans Agnès Grey), et plus prononcé lors des vagabondages solitaires de la pauvre Jane dans les landes après avoir quitté la propriété, un suicide de l'âme qui entraînera des conséquences irrémédiables.
Pour conclure sur cette analyse très succinte qui résume à mes yeux l'essentiel pour donner envie de lire ce roman, nous dirons que Jane Eyre est une véritable expérience sensorielle. Sa réputation d'être catégorisé comme l'un des plus beaux romans que l'Angleterre ait connu n'a rien d'exagérer. Flaubert disait même en définissant la joie que peut nous procurer la lecture d'un livre : "On ne songe à rien (...) les heures passent. On se promène immobile dans les pays que l'on croit voir, et votre pensée, s'enlaçant à la fiction, se forme dans les détails ou poursuit le contour des aventures. Elle se mêle aux personnages". On se sent "palpiter sous leurs costumes". Plus romantique et naturaliste qu'Emily, Charlotte n'en conserve pas moins une certaine austérité, une sobriété qui colle à la peau de son personnage, se faisant l'avocate de la morale, de la défense envers les laissés pour compte et de la bienséance au service de la justice divine. Bien que l'on soupçonnerait un côté ésotérique de par l'influence de la religion chez le personnage et l'écrivaine, Jane Eyre n'en reste pas moins une perle littéraire de cette ère victorienne anglaise qui permet à la fois de se plonger dans une histoire féministe et dans le passé aventureux de Charlotte ; un passé où les passions de l'âme n'ont jamais été aussi bien retransmises sur feuille grâce à la pensée. Et c'est en cela que l'on se rend compte que l'écriture est l'une des plus belles inventions que l'Homme ait inventé... et que la Femme ait si bien véhiculé.