vendredi 30 octobre 2009

Biographie sur Beth Anna Hynum

A tous les esthètes (et les autres bien sur), vous trouverez ci-dessous la très courte biographie que j'ai écrite sur une artiste-peintre à l'avenir prometteur : Beth Anna Hynum. L'interview qu'elle m'a généreusement accordé m'a en effet permis de saisir quelques informations indispensables pour comprendre le personnage : des détails sur sa vie personnelle mais aussi quelques clés pour entrer dans son univers graphique.
Enfin, vous trouverez un lien internet qui vous permettra de visiter son site perso (un lien que j'ai d'ailleurs mis à plusieurs reprises dans certains billets). Naviguez bien !
(photo de Eric Besnier, 2008)

Née le 15 février 1983 en Papouasie-Nouvelle-Guinée, Beth Anna Hynum passe une grande partie de son enfance au sein d'un peuple indigène. Ses parents étant éducateurs et missionnaires, elle se met à voyager à travers le monde, partagée entre la côte californienne et les montagnes tropicales de son village natal. Puis, à quinze ans, c'est la révélation. Elle découvre les arts plastiques au lycée, et le verdict est sans appel : elle sera artiste-peintre ! Elle poursuit donc pour cela ses études supérieures à l'université de Point Loma Nazarene à San Diego.
En 2003, son école lui propose de mener un pèlerinage artistique en Europe afin d'approfondir ses connaissances. Elle est amenée à découvrir Londres, Venise, Florence mais aussi Barcelone et Paris. Son coup de foudre pour la "ville Lumière" est tel qu'elle décide de s'y installer et de suivre des cours dans le Wells College, une école d'Art rattachée à New York. Influencé par les oeuvres de Saville, Bacon, Delacroix ou encore Monet, le côté pratique de son travail s'en retrouve plus renforcé, renouvelant sans cesse sa technique au service d'un travail d'accomplissement personnel pertinent, méticuleux et très intime.
Si ses capacités ne cessent d'évoluer, c'est parce qu'elle est consciente du privilège d'avoir grandi étant enfant dans une culture radicalement différente de la sienne. Les rapports insolites qu'elle a entretenu avec un peuple primitif ont clairement irisé sa personnalité et développé son sens du toucher. Ainsi, de ses toiles carminées à ses tableaux monochromés (cf. Cityscapes), les couleurs font la vie pour Hynum. La Femme prend même sous sa gouache des apparences de sirènes éperdues qui, derrière des contours glacials et des ombres ténébreuses, réussissent à procurer une sensation de chaleur enivrante (cf. Annie).
Son travail parcoure des chemins diverses faisant preuve de son besoin de toujours vouloir se découvrir davantage. Parce qu'elle refuse le décalage physique entre la toile et elle-même ; parce que son pinceau, c'est sa main, elle a su épouser sa propre doctrine sans pudeur : son "Take hold of life" ("prendre la vie à bras le corps"). De cette philosophie en découle sa propre technique artistique qui tente dans ses toiles de sublimer la réalité. Au bout du compte, connaître le parcours de Beth Anna Hynum, c'est pouvoir d'ores et déjà s'emprunter un chemin vers son univers esthétique lumineux et étrangement fascinant.
"C'est l'abondance de la vie et des innombrables facettes de l'être qui m'intriguent et qui ne cessent de capturer mon attention. C'est pour cela que j'essaie de faire prendre conscience au spectateur de sa sensibilité, et pourquoi pas, à partir de celle-ci, d'élever son regard au-delà de sa position dans la société." Beth Anna Hynum

jeudi 29 octobre 2009

Micmacs à tire-larigot - critique -

Le père de Bazil meurt tragiquement dans le désert marocain en ayant découvert par hasard une mine explosive. Trente ans plus tard, c'est au tour de Bazil lui-même de manquer de chance : il reçoit une balle perdue en pleine tête... Guéri mais dorénavant à la rue, Bazil fait la connaissance d'une bande de curieux personnages, logés dans un grand tunnel recyclé en carrosserie et ferraille en tout genre. Puis un jour, Bazil se retrouve par hasard devant les immeubles des sociétés qui ont été responsables de ses malheurs. Il décide de se venger...
Huit ans après l'inoubliable, que dis-je, l'indétrônable fabuleux destin d'Amélie Poulain, Jean-Pierre Jeunet reprend les commandes pour notre plus grand plaisir. Même filtrage sépia dans l'image, même style dans la réalisation, la patte Jeunet est unique en son genre et redore le blason du cinéma français. Plus encore, les présentations avec de nouveaux personnages, le plongeon dans un nouvel univers procurent la même sensation que lors de ses précédents films. Une sensation magique qui se décuple à chaque plan qui passe. L'incroyable imagination de ce talentueux cinéaste va de pair avec son incroyable capacité à pouvoir nous la montrer sans retenue. On sent tout l'amour qu'il porte au septième Art ce qui confère à Micmacs à tire-larigot un film intemporel en hommage à tous les autres. L'oeuvre de Jean-Pierre Jeunet est à voir comme l'abri recyclé où séjourne la bande : une véritable récupération des classiques du genre, de Casablanca à Tex avery.
Une fois de plus, Paris est ici peint "à la Jeunet", baignant dans des tons chauds, dans un ciel marbré de nuages ocres et d'un gris lumineux, et toujours ce jaune saturé qui permet de donner un effet carte postale dont les contours auraient vieilli avec le temps qui passe. On pourrait presque croiser Amélie ou Nino Quincampoix dans le quartier de la Goutte d'or ! Et quant au fort d'Aubervilliers, il passe même pour un lieu enchanté, où se promener sous le périphérique est enclin à séduire n'importe qui. Micmacs à tire-larigot ou le rêve dans toute sa splendeur, entre un humanisme touchant et une ambiance qui hypnotise littéralement.
En terme de scénario, tout n'est que trouvaille (mais sur-alambiqué peut-être). La bande de Bazil, tous farfelus et attachants, constitue le noyau même du film. Enchaînant des gags hilarants, jamais poussifs, mais surtout les élucubrations de ces personnages, montant et démontant toutes sortes de plans ingénieux, le film n'ennuie jamais sinon d'agrafer un permanent sourire. Notre cerveau, scindé en deux, répond d'une part à l'enfant qui ne nous a jamais quitté, dont les yeux brillent devant tant de second degré magnifique ; d'autre part à l'adulte, dont la maturation sert à percevoir et respirer la magie quand elle est présente. Dany Boon est bien plus mis en valeur que lors de ses précédents films et témoigne correctement d'un jeu confortable dans son domaine, celui de la comédie. La prestation de chacun ne faiblit jamais, Yolande Moreau toujours en forme, et Dominique Pinon en éternel looser attendrissant.
La créativité de Jeunet paraît décidément sans faille et sans limite. Le débordement de passion qui anime la personnalité du monsieur s'offre à nous comme un très beau cadeau, preuve que le cinéma d'auteur est ce qui se fait finalement de mieux. Bien que se positionnant parfois dans un parti pris politique qui aurait pu tourner plus court dans certaines scènes, Jean-Pierre Jeunet est la preuve vivante que le talent, le vrai, se renouvelle sans arrêt. La magie du cinéma ici prend tout son sens ; Micmacs à tire-larigot est une déclaration d'amour et un enchantement pour le moral, ce qui se fait avec les temps qui courent trop rarement hélas.

mercredi 28 octobre 2009

Super-Délires

Agan Harahap, un photographe indonésien né dans les années 80, s'est servi de ses talents pour mettre en scène un concept qui est plutôt le bienvenu : celui d'incorporer nos super-héros dans des clichés qui soulèvent quelques périodes les plus noires que l'histoire de l'humanité ait connu. Le rendu est plus vrai que nature. Ainsi, on a le droit à Superman qui pose à côtés des allemands nazis ou encore à Dark Vador en pleine conférence de Yalta (février 1945) ! Pour plus de clichés, voici la source :

samedi 10 octobre 2009

eL ednom à srevne'l ?

nE tnaugivan nu uep rus el ten, ej sius èbmot rus nu elcitra etilosni tnanetnoc sed snoitatnesèrper seuqiritas ed ertê'l niamuh. seL sotohp, sért neib seuv, tnelrap zessa semêm-selle'd. srolA tôtulp nu'uq gnol sruocsid, iciov sec segami... iuq tnenneiv riloba egavalcse'l sed stejbo rap emmoH'l.

jeudi 8 octobre 2009

Le Parfum, histoire d'un meurtrier - critique -

Jean-Baptiste Grenouille naît en 1738 derrière un stand de poissons tenu par sa mère infanticide. Destiné à être mort-né, le bébé contracte aussitôt une exceptionnelle faculté de l'odorat, le confinant comme l'unique homme étant capable de sentir la moindre parcelle d'un lieu, le moindre atome constituant un objet, un végétal, un animal ou même encore un être humain. Puis, Grenouille grandit et réussi à se faire engager par le parfumeur Baldini. Il peut ainsi se laisser aller librement à sa seule passion : celle de découvrir des nouvelles odeurs. Grenouille se met alors en tête de créer la fragrance idéale, celle qui pourra charmer n'importe qui. Pour cela, il doit collecter le plus pur des parfums : celui des jeunes filles...
Quelle mystérieuse histoire que celle de Jean-Baptiste Grenouille. Né de l'imagination de l'écrivain allemand Patrick Süskind, Le Parfum est d'abord une oeuvre qui a séduit le monde entier de par le caractère presque olfactif qui se dégageait des pages (une sensation jusque-là inconnue), mais aussi par cette incroyable narration sur le trépas d'un homme hors du commun. Tom Tykwer s'est donc attaqué à réaliser une oeuvre jugée inadaptable sur grand écran. Et pourtant, le résultat est loin de se révéler casse-gueule. Par de grands procédés cinématographiques (avec notamment des effets appuyés sur les premiers plans et des zooms), le cinéaste rend compte de l'importance primordiale que devait absolument tenir la place de l'odeur dans le film. L'insalubrité, la saleté, l'impureté même des lieux en ce Paris du XVIIIe siècle donne une légère nausée au moindre plan sur un poisson vidé ou la barbaque d'un animal, sur l'haleine fétide d'une personne, sur l'immondice qui devait imprégner chaque ruelle de la capitale ou encore sur la crasse qui devait y maculer chaque recoin. De ce côté-là, le défi est grandement rempli. On est surpris qu'il est même osé adapter si crûment la scène de l'accouchement, d'une atroce barbarie, qui pourtant se doit obligatoire pour comprendre le personnage de Grenouille depuis les premières secondes de son étrange existence. Ensuite, il était important de souligner, sans s'y éterniser, l'aspect violent qui régnait de main de maître dans cette époque d'après-Renaissance, comme une politique qui condamnait les plus faibles à se faire détruire légalement par les plus forts. Le film se dit montrer des scènes pouvant choquer la sensibilité des plus jeunes, il n'en reste pas moins clairement violent et réellement choquant lors de certains passages. Pour faire donc bref sur cet aspect du long métrage, nous évoluons sans conteste dans un Paris plus vrai que nature sur l'aspect putride des lieux et sur la gueuserie qui habitait le peuple, réduit à l'état primitif, mangeant comme des chiens et vivant comme des animaux sauvages.
L'oeuvre de Süskind possède une telle richesse qu'avec un peu de bon sens, il ne fallait pas être bien sot pour comprendre que Tykwer avait intérêt à respecter la trame du bouquin à la lettre. Ensuite, la musique, à tendance lyrique, ajoute beaucoup à l'atmosphère du film, se réussissant même d'accomplir le miracle d'apporter une note de pureté dans ce monde infecte. D'ailleurs le Parfum, ce n'est que cela : ce constant jeu sur la contradiction qui l'élève comme un objet fantasmagorique et fascinant. Pour ne citer qu'un exemple parmi tant d'autres, il est amusant de constater que Grenouille doit tuer des jeunes filles pour récolter le Parfum ultime. Pour ainsi dire, il doit commettre le crime le plus impardonnable et le plus incompréhensible qui soit pour satisfaire ce dont tout homme n'est en mesure de créer dans ce bas monde : le presque pouvoir divin car à "celui qui maîtrise les odeurs, maîtrise le coeur des hommes". Mais Tykwer a peut-être voulu en faire trop de ce point de vue là. Il a en effet préféré choisir au personnage de Grenouille un acteur au visage séraphique plutôt qu'un être laid originellement. Tykwer a révélé lui-même qu'en lisant le livre, les gens n'avaient pas peur de l'aspect repoussant et cabossé de Grenouille mais bien de sa capacité à saisir l'essence même de chaque chose. Son choix peut donc paraître légitime, même s'il peut inspirer les pires inquiétudes aux yeux de l'écrivain. Visuellement, c'est le même combat. Bien que l'image et les effets visuels sont impeccables et nous permettent d'avoir le luxe privilégié d'assister à une vraie renaissance de cette Post-Renaissance, on pourra reprocher au réalisateur de s'être trop attardé à avoir policé sa pellicule comme un maniaque, conférant hélas au long métrage une sorte de dégueulis à mi-chemin du baroque et du classicisme. Le Pont au Change procure la sensation bizarre d'être davantage en face d'un effet de science-fiction plutôt qu'à la réalité historique de l'architecture.
Tykwer a respecté l'univers de Süskind en accordant de l'importance à chaque scène. Le passage de Grenouille chez Baldini n'a rien de bâclé et le fait d'avoir attribuer autant de considération sur les errances nocturnes de Grenouille et les crimes qu'il commet méritent les éloges. Le contraste des couleurs qui s'impose nous fait découvrir ses assassinats comme de vraies toiles d'art à la frontière d'un Vermeer et d'un Ingres ! Ce subtil dosage savant rend incontestable la qualité du film. Entre ses exigences personnelles et le respect du livre, on sent que Tykwer n'a pas souhaité pondre un produit marketing hollywoodien, et a su très bien éponger la pression qu'il a du entasser sur ses épaules pour l'adaptation d'une telle perle littéraire. Le Parfum histoire d'un meurtrier se devait être confectionné aux petits oignons, avec des moyens financiers colossaux, une intelligence de base chez un cinéaste cultivé et amoureux du septième art. Comme c'est le cas, le film ne pouvait être que de bonne augure à sa sortie. L'expérience extra-sensorielle qui en ressort est impressionnante. Et surtout, Tykwer donne à son public l'envie de lire immédiatement le livre après le film, pour les retardataires "inexcusables" d'entre nous...

vendredi 2 octobre 2009

Le Petit Nicolas - critique -

Nicolas est un petit garçon qui aime bien sa vie. Il aime bien aussi sa maman et son papa. Il aime aussi sa maîtresse et ses copains de classe. Sa vie, il l'aime vraiment beaucoup. Mais un beau jour, les choses se gâtent. Nicolas est victime d'un quiproquo. Il pense que ses parents attendent un heureux évènement et suite à cela, Nicolas croit que ces derniers vont l'abandonner dans la forêt comme Le Petit Poucet...
Le personnage du Petit Nicolas est vieux comme les robes de ma mère. Crée dans les années 50 par Goscinny, le Petit Nicolas symbolise une enfance immortalisée par la douceur de la maison, les bons petits plats confectionnés par Maman mais aussi et surtout, les souvenirs d'école qui représentent l'insouciance et la meilleure période pour tout enfant. Le Petit Nicolas incarne depuis plus de cinquante ans une égérie de la France, cette période d'après-guerre où tout brille, tout le monde sourit et se parle avec un minimum de courtoisie. Une période où l'écologie était moins fracturé par les saisons bien respectées en ce temps et où chaque personne tenait sa propre place dans la société suivant son âge. Les enfants sont des enfants. Les adultes sont des adultes. Le Petit Nicolas, c'est la vraie madeleine proustienne pour celui qui a senti dans les pages des livres, l'encens de sa propre enfance et des goûters de 4h préparés avec amour par Maman dans son beau tablier. Laurent Tirard s'attaque donc à un pilier de la littérature enfantine française et il savait déjà, avant même de commencer à faire tourner sa première bobine, qu'il allait se mettre sur le dos tous les réfractaires pour la transposition d'une telle oeuvre soi-disant inadaptable au cinéma, n'en déplaise au Monde ou aux Inrockuptibles. Le film s'en sort avec la mention "Très Bien", grâce au grand soin apporté au film et à la présence d'acteurs tous plus joyeux et légers les uns que les autres.
Le petit Nicolas permet à Kad Mérad de faire son grand retour depuis la vague des Ch'tis, et à Maxime Godart de se faire connaître du public. Parfois un peu trop lisse dans ses expressions et pas assez espiègle, il ne détruit pas pour autant son personnage d'origine. On le sent complètement investi, et son assurance ainsi que ses drôleries rattrapent sans mal les petits défauts qu'il cantonnait sur son dos. Le film a justement évité de se centrer de façon égocentrique sur son personnage au détriment des autres car tous ses copains, qui sont aussi le moteur des histoires du livre, trouvent refuge dans des premiers rôles et non dans des seconds plans. Malgré des scènes parfois très désarticulées, l'univers dans sa globalité est bien respecté : Clotaire, le cancre, qui n'a pas fini de nous émouvoir par ses expressions désabusés, Alceste, le boulimique, qui se met en rogne s'il n'a pas eu son compte de bouffe pour la journée ou encore Geoffroy, dont le papa est très riche. Cette belle photo de classe assure évidemment la promotion du film, et peut se targuer d'avoir satisfait nos espoirs au delà de nos attentes.
Le film a eu aussi la merveilleuse idée de reprendre la narration de Nicolas. Tout le film est donc raconté dans un langage d'enfant, entre jeux de mots et quiproquos grotesques, et donne le sentiment d'inviter son spectateur dans un retour à l'innocence, où les gags n'étaient jamais bien méchants et où nous avions aucun problème dans nos existences si ce n'est de rendre en temps voulu les devoirs pour l'école. Le générique à lui seul mérite le déplacement. Ingénieux et d'une belle écriture scénaristique, il plonge d'emblée les bases de cet univers, cette belle France d'Epinal à jamais perdue, faite de DS roulant dans les rues en pavés ou bien de policiers moustachus sur leurs vélos vêtus de leur cape noire. Si bien que le film terminé, le retour en 2009 à l'extérieur se ferait presque douloureusement.
Laurent Tirard a su donc pondre une magnifique adaptation du Petit Nicolas, en ayant veillé à respecter scrupuleusement son monde et son beau petit entourage. Tout le monde y trouve son compte. Même du côté des adultes, rien n'en pâtit. Valérie Lemercier et Kad Mérad nous offre un beau duo comique, entre un dîner qui vire à la catastrophe et les grimaces du père pour faire rire son enfant. Définitivement, nous tenons là un beau film en attendant Micmacs à tire-larigot, qui vient prouver une fois de plus que le cinéma français excelle dans ce qui n'est pas de recopier les schémas hollywoodiens de nos compères américains.

jeudi 1 octobre 2009

Morse - critique -

Oskar est un petit garçon de douze ans qui vit en marge de la société. Martyrisé par ses camarades de classe et éduqué par une mère quelque peu possessive, Oskar ne trouve de refuge que dans une cabane, laissant ainsi libre cours à son imagination pour s'inventer toutes sortes de vengeances. Puis arrive Eli, jeune fille brune qui emménage dans le même immeuble.
Une série de meurtres intervient aussitôt : des victimes vidées de leur sang et comportant des morsures au cou. Oskar réalise alors qu'Eli est un vampire. Et cela ne fait que souder davantage leur complicité...
Oubliez tout les films, téléfilms et séries que vous avez pu voir sur le thème du vampire ou sur toutes créatures s'en rapprochant. Oubliez tout cela, car avec Morse, c'est plus qu'une relecture du genre que nous avons à faire, mais à un lifting total de la créature tant connue. Morse constitue en effet une claque monumentale à la fois violente et poétique, un petit bijou signé le suédois Tomas Alfredson.
Tout le film se veut épatant. Engouffré comme dans une nouvelle dimension, on assiste au destin d'un petit garçon solitaire pas très net dans sa tête dès le départ à jouer du couteau dans le vide. Avec ses cheveux blonds et sa peau de lait, il est le parfait symbole de l'innocence, aussi pure que la neige immaculée qui verse les décors sans âme de la ville. Et pourtant... Cette couverture trop lisse est grandement éclaboussée par les rejets de sa conscience humaine. Il nourrit une passion morbide pour la collection d'articles de journaux sur les accidents et les décès qui interviennent au quotidien ; et sa vision du monde est d'une telle maturité qu'il accepte même son statut de victime en s'imprégnant de la douleur violente que lui inflige physiquement son tortionnaire à l'école. Oskar va donc très loin pour ce qui est de s'introspecter, mais n'a pas le corps matériel nécessaire pour faire face à ses ennemis (d'où ses entraînements en haltérophilie, en vain). Mais là où l'idée d'Alfredson va révolutionner le genre, c'est qu'il fait intervenir la créature du vampire afin de compléter le personnage d'Oskar. Plus qu'une simple apparition aux multiples effets racoleurs, le vampire qui habite Eli, tout en cheminant les codes conventionnels liés au mythe, est le côté animal de la jeune fille qui doit se nourrir du sang des autres pour survivre. Après, dépassé ce schéma-là, Eli reste malgré tout une petite fille comme les autres. Elle recherche le besoin de se faire un copain (peur de la solitude), se dégoûte elle-même de certains de ses actes (preuve que le vampire peut-être doté d'une âme) et n'est pas complètement fermée sur les activités des autres (Oskar lui prêtera même un jeu). Alfredson ne s'engage donc pas à étayer une vision horrifique et cauchemardesque du vampire, il élabore son point de vue avec le moins d'artifice possible et en essayant de concilier poésie avec pessimisme. En effet, les quelques plans sur la neige qui tombe du ciel, ces paysages glacés de Suède en pleine nuit, ce blanc sur fond noir, sont d'une éclatante beauté horrifique, une pièce maîtresse qui fait partie intégrante de cette oeuvre.
Finalement, les actes d'Eli ne sont pas plus condamnables que ceux perpétués par le clan qui font d'Oskar sa tête de turc. Même s'ils sont davantage explicites chez Eli, son excuse serait qu'elle est forcée de tuer pour survivre. Or, les autres sont bel et bien humains, qui ont choisi de vivre volontairement dans leur anarchisme. Leur comportement est d'autant plus inquiétant qu'ils semblent se nourrir de la peur de leur victime afin de se donner une meilleure image d'eux-mêmes. Tomas Alfredson nous livre là un constat d'une déprimante justesse dont la construction de notre propre humanisme se fait dès l'enfance. Si à douze ans, Oskar semble déjà altéré, c'est qu'il est condamné comme Eli à errer par delà les frontières de notre âme. Cette intensité, nous la ressentons tout au long de Morse sublimant sa valeur par l'atmosphère générale d'une froideur baroque conciliée avec un léger classicisme. Dans Morse, pas de d'ail ou de croix pour chasser le vampire. Ni de cercueils et de canines pointues. Pas de caricatures ou d'effets grands guignolesques. Dans Morse, c'est l'angoisse d'une ombre qui se cache dans les endroits sombres, l'obligation chez le vampire de vivre la nuit et de devoir être invité dans un lieu pour y entrer. Les acteurs qui jouent les deux enfants sont fantastiques à tous les niveaux, et la réalisation de Tomas Alfredson veut son importance dans chaque plan. Osant le pari insensé de proposer une nouvelle lecture sur le personnage du vampire, Alfredson a transcendé tout ce qui a pu être réalisé auparavant sur ce thème. Le prochain cinéaste qui s'attellera à bâtir son prochain film dans ce même gabarit a bien du boulot devant lui. Car pour avoir su si bien associé beauté avec horreur et poésie avec violence dans l'univers vampirique, Alfredson a manifestement marqué les esprits Hollywood au fer rouge pour que ces derniers lui aient proposé d'en faire déjà un remake...