dimanche 27 septembre 2009

Beyond good and evil : le test !

Jouabilité 3/5
Le titre se joue très agréablement mais l'on sera vite agacé par la caméra lors de certaines phases. Cela n'enlève heureusement pas le plaisir de diriger Jade, dont la manipulation ne fait jamais dans le complexe.

Graphismes 4/5
Le jeu date et rame sec, c'est indéniable. Mais pour l'époque, il apparaissait comme un véritable carton graphique, très travaillé sur les lumières. Les personnages peuvent paraître fades mais les décors sont spectaculaires et incroyablement personnalisés.

Son 4/5
Avec un doublage signé Emma de Caunes pour ne citer qu'elle, la barre ne peut-être que placée haute ! Et les musiques, superbes, ajoutent une vraie essence au jeu.

Durée de vie 4/5
15h pour boucler l'aventure intégralement, c'est très court. Surtout quand les personnages sont si attachants. Mais la qualité du bonheur procuré efface ce petit défaut sans problème. Comme on dit, il vaut mieux que ce soit court et bon que long et ennuyeux.

Le meilleur
Un scénario de qualité avec plein de rebondissements. Un doublage impeccable. Un jeu à la forte personnalité.

Le pire
Une caméra capricieuse et une durée de vie trop brève.

Beyond good and evil, qui reprend le titre de l'oeuvre du philosophe allemand Nietzsche, est un très beau jeu dont rien n'a été bâclé. On ne comprend pas qu'il est attiré aussi peu de monde à sa sortie car ce titre vidéo-ludique, qui a été maintes fois récompensé, possède énormément de charme. On en oublie même les accrocs qui ponctuent l'aventure ! Avec son monde enchanteur et son scénario digne d'un film (des bandes 16/9 vous seront même imposées), Michel Ancel a su créer son petit univers à lui, avec une patte graphique personnelle. La french touch n'a donc pas fini de surprendre. Surtout que l'équipe planche actuellement sur la conception d'un deuxième volet qui, espérons-le, sera à la hauteur de nos espérances.

17/20

La proposition - critique -

Margaret Tate est une rédactrice en chef redoutée par tous, et surtout détestée. Alors qu'elle est menacée de se faire expulser des Etats-Unis pour expiration de sa carte de séjour, elle décide de frauder, en proposant à son assistant Andrew de se marier avec lui. Il accepte, mais à certaines conditions. Le couple se rend en Alaska chez Andrew pour annoncer leurs fiançailles. Petit à petit, apprenant à se connaître, ils vont se rendre compte que le plan ne va pas fonctionner comme ils l'avaient prévu...
Après les hilarants Miss Détective et Miss FBI, Sandra Bullock revient non sans mal dans le registre de la comédie. Le couple qu'elle forme ici avec Ryan Reynolds possède son petit charme il est vrai, mais en tant que film romantique qui pue-le-fric, La proposition répond à pratiquement tous les codes du film guimauve tire-larmes, un Sept à la maison de 1h50 où il flotte un cynisme trop gentillet et des gags complètement prévisibles. Personne ne rit dans la salle, des bâillements se font entendre. Pour un film qui se dit être une comédie, il y a donc un problème. Prenez un beau jeune homme canon tout en muscle, célibataire, et une belle et mince jeune femme bien habillée et bien coiffée, célibataire. Ajoutez à cela, le drapeau américain qui flotte dans le jardin familial, un toutou qui ne manquera pas d'attendrir les midinettes du public, le quota ethnique pour ne pas faire tomber le film dans le racisme primaire (une personne hispanique qui joue le trublion de service aux blagues pas drôles), des maisons de type présidentielle aux carrés de pétunias impeccables, et vous obtiendrez une vague idée de ce qu'est La proposition.
Ce qui peut sauver le film, ce sont l'ambiance générale de gaieté et la présence de Bullock/Reynolds. Hélas, la réalisatrice Anne Fletcher n'a pas compris que les comédies sentimentales américaines de ce type sont dépassées et qu'elle aurait pu réaliser grâce au casting, une comédie toute en finesse et relativement cinglante. Mais le trop plein de mièvreries et d'invraisemblances viennent tout gâcher (l'action se passe en Alaska et Bullock, en débardeur ?!, ne semble pas être altérée par le cycle très spécial du jour continu 24h/24). La mise en scène est plate comme un terrain de basket et surtout, le rôle attribué à Bullock en tant que méchante du film ne convainc absolument pas. Tout est cousu de fil blanc : Ils se détestent, ils se supportent, ils tombent amoureux, ils se séparent et... arrive le gros bisou final en premier plan avec applaudissements !
La proposition rime avec déception. Le film ravira les ados, qui ne remarqueront pas que, malgré la présence de Bullock et Reynolds à l'écran, nous avons à faire à une énième et une énième comédie sentimentale sans surprises où la politique du "tout le monde il est beau, il est gentil" se veut être la toile de fond. Pour les autres, au mieux, on réussira à vous tirer quelques sourires car le film a néanmoins le mérite de détendre l'esprit et de reposer la tête. Mais qu'il semble loin le temps de l'innovant, culte et excellentissime "Journal de Bridget Jones"...

vendredi 25 septembre 2009

Jane Eyre de Charlotte Brontë - critique -

Jane Eyre, une orpheline de dix ans, est recueillie par sa méchante tante dans le luxueux domaine de Gateshead. Mal-aimée, elle vit une enfance douloureuse faite de maltraitance, pour ensuite être envoyée dans un pensionnat de jeunes filles, le pensionnat de Lowood. Mais la vie y est aussi rude... Dix ans plus tard, Jane grandit. Ayant suivi un enseignement cultivé, elle est appelée comme gouvernante pour instruire Adèle, fille d'un riche propriétaire du comté, Mr Rochester. Jane s'engage alors vers une nouvelle vie, qui scellera à tout jamais son destin...
Il ne pouvait pas être concevable d'avoir lu le chef d'oeuvre Wuthering heights de Emily Brontë et ne pas lire ensuite Jane Eyre de sa soeur aînée. Car à l'image de sa cadette, Charlotte possède aussi un talent indéniable pour ce qui est de raconter une histoire et de décrire des sentiments. Le raffinement de sa plume, les épithètes élégantes, la musicalité des phrases, la cohérence du récit, la passion qui animent les personnages, la poésie qui transpire chaque ligne font de Jane Eyre un chef d'oeuvre absolu, doublé d'une histoire d'amour éblouissante. Mais commençons par le commencement. Ce qu'il convient de remarquer avant de s'atteler à une très brève analyse du récit, c'est que le roman est raconté du point de vue interne, à la première personne par Jane Eyre elle-même. Bien que l'histoire soit totalement fictive, on sent à travers cette femme l'ombre de Charlotte Brontë planer. Les similitudes entre la physionomie du personnage et le nom de certains lieux sont la preuve indiscutable que Charlotte essaya à travers son roman de rendre réel la fiction et de surpasser au-delà son talent d'écrivaine accomplie. Par exemple, Mary, Diana et St John Rivers ne sont en fait qu'une allusion à ses deux soeurs Emily et Anne, ainsi que son petit frère Branwell (qui avait un penchant pour l'alcool tout comme la geôlière Grace Poole). Autant d'échos et d'analogies qui se réverbèrent, faisant de Jane Eyre une possible autobiographie. Jane Eyre EST Charlotte, un personnage qui possédait un exceptionnel respect pour elle-même, une femme d'une grande noblesse d'âme pour qui la liberté féminine avait force de loi.
Jane Eyre dépasse de loin toutes nos attentes au démarrage de la lecture. Dès l'incipit, on se prend d'amitié pour cette petite Cosette anglo-saxonne maltraitée par sa tante. L'une des scènes phares du livre où la petite Jane est enfermée dans la chambre mortuaire de son défunt oncle est un sommet de climat anxiogène, si pesante et effrayante que Jane tombe "dans une sorte de syncope qui termina dans l'inconscience". L'écriture de Charlotte peut être aussi bien emprunte d'une riche et exceptionnelle poésie que de l'horreur la plus vraie. Ce qu'on aime dans le personnage de Jane Eyre, c'est sa droiture, son point de vue sur les mentalités, les moeurs, sa stricte displine. Pour elle, la richesse est superflue, et est un appât dont on doit se méfier : et pour passer par le bonheur et la passion, il faut vivre un durable calvaire qui débouchera sur la félicité. Du malheur naît le bonheur. Nous devons marcher sur des braises, nous emprunter de leurs brûlures et de leurs douleurs, comme pour ensuite être digne d'accéder au calme après la tempête. Chaque passage dans un lieu inconnu représente une écharde dans la main de Jane. Elle gravit le volcan de l'Enfer, entre une tante tyrannique, un directeur de pensionnat haineux et les tours que lui jouent son destin dans le domaine de Mr. Rochester. Sa vie, c'est un grand tour de montagnes russes où chaque boucle donne le vertige, où chaque impulsion avant une vrille provoque des débordements intérieurs incontrôlables. Heureusement, le tempérament et la niac de Jane lui font surmonter toutes ces épreuves. Presque surpuissante, elle sait déjà, enfant, ce qu'elle vaut et n'a pas besoin que Mr. Brocklehurst vienne lui citer la Bible et le passage sur le sort qu'on réserve aux mauvais enfants. Elle réussit donc à vivre dans son monde et semble s'être deja inculquée une certaine notion du bien et du mal.
Le roman est indéniablement emprunt d'une poésie très spleenienne, baignant dans un registre raffiné où la sensibilité de l'écriture, à fleur de peau, se noie dans l'empathie. Ce qu'on lit, on le ressent. Chaque détail a son importance : du tombé d'une feuille morte au rayon du soleil venant transpercer à coups d'épées la rosée du matin. On se représente très bien les personnages, Charlotte n'étant pas avare en descriptions. On aime se perdre dans les couloirs sombres du château, dans les plaines sauvages balayées par le vent des landes, dans les ciels marbrés de nuages blancs et gris. On s'étonne même d'avoir à faire à un simple livre et non pas à un film. La visualité est quasi cinématographique. Dans Jane Eyre, on touche, on sent, on voit, on goûte et on entend, un cocktail explosif des sens qui détonnera aux yeux du lecteur comme le moyen de se fondre dans un univers parallèle.
Mais noir et gothique, le roman l'est assurément aussi, noirceur qui est comme la marque de fabrique de la famille Brontë. Une mère qu'elle n'a jamais connu, un éditeur qui refusera toute sa vie de publier son roman The profesor, un petit frère qui sombre vite dans l'alcool, Charlotte traverse quelques dures épreuves de la vie et se décharge complètement dans sa fiction thérapeutique. Ses nombreuses sources d'inspiration démontrent sa grande culture générale : Bible, gazettes de sa région (dont l'article qui lui servit de point de départ à l'intrigue Rochester)... Et elle fait même figure de l'apprentissage de la langue française par le biais d'Adèle et de l'un des professeurs de Lowood, Mme Pierrot. Il est intéressant de voir comment une anglaise en 1847 se représente la France et les français, et le tableau qu'elle en peint n'est pas très flatteur. Paris est vu comme une ville libertine qui a conduit la Varens à l'adultère, Adèle (née en France) parait parfois très matérialiste lorsqu'elle exige de son père de lui ramener des cadeaux lors de ses voyages, et superficielle lorsqu'elle souhaite s'engager dans la même voie que sa mère (danser en tutu) plutôt que de s'étaler sur des problèmes mathématiques. La noirceur dans le roman atteint donc différents degrés : elle est moindre quand il s'agit pour Jane Eyre de simplement constater le monde qui l'entoure comme les aristorates qui viennent séjourner à Thornfield Hall (on rejoint les mêmes idées qu'Anne dans Agnès Grey), et plus prononcé lors des vagabondages solitaires de la pauvre Jane dans les landes après avoir quitté la propriété, un suicide de l'âme qui entraînera des conséquences irrémédiables.
Pour conclure sur cette analyse très succinte qui résume à mes yeux l'essentiel pour donner envie de lire ce roman, nous dirons que Jane Eyre est une véritable expérience sensorielle. Sa réputation d'être catégorisé comme l'un des plus beaux romans que l'Angleterre ait connu n'a rien d'exagérer. Flaubert disait même en définissant la joie que peut nous procurer la lecture d'un livre : "On ne songe à rien (...) les heures passent. On se promène immobile dans les pays que l'on croit voir, et votre pensée, s'enlaçant à la fiction, se forme dans les détails ou poursuit le contour des aventures. Elle se mêle aux personnages". On se sent "palpiter sous leurs costumes". Plus romantique et naturaliste qu'Emily, Charlotte n'en conserve pas moins une certaine austérité, une sobriété qui colle à la peau de son personnage, se faisant l'avocate de la morale, de la défense envers les laissés pour compte et de la bienséance au service de la justice divine. Bien que l'on soupçonnerait un côté ésotérique de par l'influence de la religion chez le personnage et l'écrivaine, Jane Eyre n'en reste pas moins une perle littéraire de cette ère victorienne anglaise qui permet à la fois de se plonger dans une histoire féministe et dans le passé aventureux de Charlotte ; un passé où les passions de l'âme n'ont jamais été aussi bien retransmises sur feuille grâce à la pensée. Et c'est en cela que l'on se rend compte que l'écriture est l'une des plus belles inventions que l'Homme ait inventé... et que la Femme ait si bien véhiculé.

mercredi 23 septembre 2009

Total Recall... à Sydney !

Mercredi dernier, une gigantesque tempête de sable rouge s'est abattue sur la ville de Sydney, s'étendant sur près de 600 kilomètres à la ronde ! Le pays n'avait pas enregistré une telle ampleur depuis 70 ans. Les autorités ont conseillé aux jeunes enfants, notamment victimes de problèmes respiratoires comme l'asthme, et aux personnages âgées de ne pas sortir de chez eux.
Voici un petit échantillon des photos prises ce jour-là : des clichés insolites et emprunts d'une très grande beauté... On sentirait presque la patte de National Geographic.

N.B : vous remarquerez la photo où l'on peut voir des enfants malgré les avertissements lancés. On tient déjà là des cas de force majeure :-) !

mardi 22 septembre 2009

Agnès Grey de Anne Brontë - critique -

Agnès Grey vit modestement sa vie avec sa soeur Mary et ses parents dans un presbytère au Nord de l'Angleterre. Son père, dont les dettes ne cessent de s'accumuler, est contraint de demander à l'ainée de peindre des aquarelles pour ensuite les vendre sur le marché. Agnès, encore toute ignorante du monde extérieur, se propose alors de devenir gouvernante. Car ainsi, la maigre pension dont elle en sous-tirera lui permettra de contribuer à l'apport financier de la famille. Commence alors la vraie vie d'Agnès Grey, entre désillusions totales et relations hiérarchiques lancinantes...
C'est non sans regret que je me suis penché sur le livre d'Anne Brontë après les chefs d'oeuvres de ses soeurs Emily et Charlotte. Non pas que son écriture soit pénible ou grossière, loin de là, le talent littéraire étant définitivement héréditaire chez les soeurs Brontë ; mais que le roman Agnès Grey paraît bien fade en comparaison du torturé Wuthering Heights et du sublissime Jane Eyre (dont la critique ne manquera pas de paraître). Sans doute cela est-il à mettre sur le compte de son jeune âge (elle était la benjamine de la famille) et de facto, de son manque d'expérience. Alors qu'on pouvait s'amuser à remarquer de nombreuses similitudes entre le vécu de Charlotte Brontë et celui qu'elle a bien voulu accordé à son personnage Jane Eyre, le rapprochement entre Anne et Agnès est ici plus flagrant. Elle aura beau faire le choix de ne mentionner aucun nom de lieux dans son roman que le lecteur ne sera pas dupe qu'Agnès Grey est une semi-autobiographie de sa vie et de son expérience en tant que gouvernante.
Agnès Grey est en quelque sorte une sorte de mélange si je puis dire entre Wuthering heights et Jane Eyre. Agnès Grey, si l'on exclut ses parents, possède un entourage des plus déprimants. La citation de Sartre qui dit que "L'enfer, c'est les autres" prend ici toute son envergure. Pauvre petite fille d'à peine vingt ans d'une écoeurante naïveté, Agnès Grey est dévastée par le comportement terrifiant et parfois très inquiétant des enfants dont elle doit faire l'enseignement. D'abord, elle s'exile chez la famille Bloomfield. Apparaissant toute confiante pour son avenir en tant que personne à inculquer les bonnes valeurs, les enfants pourtant si petits ne manquent pas un seul instant de la faire revenir sur terre en la malmenant considérablement. Tom, sept ans, et Mary Ann, d'un an sa cadette, sont le reflet d'une enfance sans innocence. Bien que se rendant compte d'être les instigateurs du calvaire épouvantable qu'ils font vivre à une adulte, ils sont déjà conscients que la vie est faite de statuts sociaux et que grâce à ces relations hiérarchiques, le pouvoir naît et vit à l'intérieur de ceux dont la bourse excéde celle des autres. Cet affront est d'autant plus accru et intolérable pour Agnès que les parents eux-mêmes n'incarnent pas l'exemple qu'ils devraient donner à leurs enfants. Ainsi, si le petit Tom aime à torturer, découper et réduire en purée de pauvres oisillons sans défense, c'est parce que son père Mr. Bloomfield ne lui a inculqué aucune notion du bien et du mal et que pire, il l'incite même à exercer ce genre d'activité... Le comportement de Mary Ann ne tient pas non plus de la distinction d'une future grande dame : elle prend la pose d'une "bûche" en pleine classe et si Agnès avait le malheur de la réprimander, elle se mettrait à "pousser des cris suraigus" qui amèneraient sa mère à blâmer la gouvernante plutôt que sa propre fille. Agnès est donc un jouet en proie aux quolibets des autres, impuissante face à l'attitude laxiste des parents, à l'attitude monstrueuse de ses élèves, et les lignes de son journal traduisent bien sa détresse misérable et les bastos psychologiques qu'on lui inflige quotidiennement. Son écriture fait en cela de ce qu'il y a de plus formidable à lire et à ressentir.
Agnès continue ensuite son aventure en s'installant chez les Murray. Là encore, Anne Brontë montre très pertinemment que dans les familles bourgeoises, l'argent qui coule à flot et l'orgueil qui en émane détruisent et annihilent tous les préceptes moraux. Son éducation se concentrera principalement sur les deux filles, Matilda et Rosalie. Malgré les vaines tentatives d'Agnès de vouloir transmettre une fois de plus son enseignement, les deux filles se révèleront d'une méchanceté hallucinante. En particulier Rosalie, qui ne manque jamais une occasion d'étaler sa bonne condition sociale en pleine face de sa gouvernante. D'un narcissime infini, elle aime et s'aime, jouant avec les hommes qui ne sont pas insensibles à ses charmes. Elle se sert d'Agnès comme d'un véritable bouche-trou, demandant de sa compagnie comme bon lui semble, en particulier lorsqu'elle ressent ce besoin presque vital d'écraser son interlocutrice par la richesse de son rang. On est bien loin de la relation priviligiée que témoignait Adèle avec Jane dans le roman éponyme ! Cette tendance que déploie donc Anne Brontë à stigmatiser les relations comme infructueuses entre élève et gouvernante sont la preuve que ce "Je t'aime moi non plus" n'était uniquement alimenté que par le statut social des gens. En conséquence, Agnès, fille d'un pauvre pasteur, devrait au contraire être honorée de la présence de Rosalie à ses côtés qui daigne lui témoigner un quelconque intérêt. Ce qui est un comble : tendre le bâton pour se faire battre ! Mais le véritable danger, Anne Brontë l'écrit fort bien : "Les personnes dont nous avons constamment les actions sous les yeux et les discours dans les oreilles nous amènent lentement (...) à agir et parler comme eux". Alors, ne verrait-on pas chez Anne Brontë plus que chez ses autres soeurs, un personnage davantage philosophe que littéraire ?
Mais malgré tout ce tohu-bohu indescriptible fait de coups de poignards dans le dos et d'incessantes humiliations, nous ne pouvons pas ne pas être révolté contre le personnage d'Agnès Grey. A plusieurs reprises, pour ne pas dire tout le temps, Agnès se montre faible de sa personne. Elle ne se révolte jamais face à l'adversité, ne fait jamais étalage de ses sentiments en public et pleure comme une pauvresse dans son lit. Son austérité, à la limite du glaçon, frappe le lecteur car n'importe qui, qui aurait vécu un tiers des affreuses brimades dont elle fut le fruit chaque jour, aurait appelé aux armes ! Agnès se fait cracher dessus, se fait écraser dans la voiture qui les mène à l'église, se fait distancer par ses élèves sur le chemin du retour et mène une bataille psychologique épuisante contre ses adversaires sans pour autant dégainer son sabre. Bien que la vertu récompense toujours les opprimés, et qu'au final Agnès parvient à trouver le bonheur (une fin de roman digne des soeurs Brontë dont la lumière balaie au final toujours l'obscurité), le lecteur se sent énervé, agacé, remonté devant l'interiorisation du personnage. Ce petit bout de femme qui partie telle une bouture de chez elle revient au final comme une fleur rabougrie par les circonstances, et dégoûtée de ce que la conscience humaine peut avoir de plus misérable et injuste à offrir. Elle ne pardonne pas par exemple que Dieu ait choisi d'attribuer la beauté physique chez Rosalie car celle-ci n'en fait pas bon usage (plutôt osé de la part de l'écrivaine d'imputer un caractère hérétique à son personnage dans une époque où le catholicisme était la matrice de la société).
Pour résumé, Agnès Grey est une peinture sans concession sur le monde de la bourgeoisie et sur la condition sociale des gouvernantes au XIXeme siècle en Angleterre. Malheureusement plombée par des séquences de dialogues inutiles et de longueurs parfois rébarbatives, cette oeuvre d'Anne est plus à voir comme un traité philosophique chapitré sur les valeurs morales qu'un roman fictif à l'instar de ses soeurs. D'autant plus qu'on y voit constamment des allusions à l'expérience personnelle de celle-ci, de l'image iconique qu'elle attribue au pasteur Weston (une profession exercée par son père) aux émotions que produisent les grèves, les étendues de sable et "cet océan qui s'étend entre des montagnes écorchées". Car sachons-le, Anne était friande de ces balades, et elle n'aurait pas pu avant sa mort se rendre une dernière fois à la mer. Avec Agnès Grey, c'est chose faite. Elle romantise à tout jamais son univers émotionnel grâce au couple Agnès/Weston qui se tiennent "l'un près de l'autre à regarder la splendeur du soleil couchant se refléter sur le monde aquatique". Quelle belle épitaphe... !

mercredi 16 septembre 2009

Le professeur Layton et l'étrange village : le test !

Jouabilité 5/5
Le double écran est parfaitement mis en pratique et le tout-au-stylet fait des merveilles.

Graphismes 5/5
Le style à la fois victorien et très vieille France caressent littéralement nos rétines. C'est plus qu'il n'en faut pour ce genre de jeu. Chaque décor, fouillé, possède son propre charme, ce qui confère au Professeur Layton et l'étrange village une ambiance enivrante à chaque seconde qui passe. Quant aux cinématiques, palpitantes, elles s'implantent dans l'intrigue avec une grande parcimonie.

Son 4/5
Le jeu vogue entre les textes et les voix. Additionnons avec cela un doublage de qualité et le travail sonore est impeccable. L'on pourra toutefois regretter la musique répétitive et assez lassante des énigmes.

Durée de vie 4/5
150 énigmes et quelques brèves quêtes annexes, ce n'est jamais assez quand on s'est pris au jeu ! Le scénario est passionnant et de fait, la quinzaine d'heure qui vous suffira à boucler l'aventure vous paraîtront très courtes. Très courtes...

Le meilleur
Un jeu qui a de la personnalité, composé de personnages savoureux, de graphismes enchanteurs et un système qui ne prend pas son public pour une betterave, grâce notamment à la complexité de ses énigmes.

Le pire
Une musique pas très diversifiée et des quêtes annexes qui se finissent trop vite.

Le professeur Layton et l'étrange village est clairement un jeu incontournable pour la portable DS. Utilisant au mieux les capacités de la console, proposant des graphismes old-school de toute beauté et un système de jeu passionnant, ce premier volet d'une longue saga déjà annoncée mérite l'aura qu'il s'est construite autour de lui. Le charme furieux qui s'y dégage vous donnera bien du mal à vous dégager de votre écran, et la pertinence des énigmes ne vous manquera pas de faire travailler vos méninges. Voici un jeu beau et intelligent : en clair, un presque sans faute sur toute la ligne. On attend le deuxième volet avec impatience, prévu pour le 25 septembre prochain !

16/20

mercredi 9 septembre 2009

Paris chéri

Après les années 1860, voici le Paris du XXIème siècle dans toute sa splendeur, avec un léger parfum de l'ancien Paris tout de même :)
Un gros coup de coeur publicitaire que l'on doit à Miss Sofia Coppola pour l'avoir réalisé (sur fond musical de Brigitte Bardot).



mercredi 2 septembre 2009

Si Paris m'était conté !

Le Louvre des Antiquaires accueille depuis aujourd'hui une exposition de clichés en noir & blanc de Charles Marville sur le Paris méconnu de 1850 à 1880 environ.
Voici un extrait de la brochure de présentation :

"Sans les photos de Charles Marville, il serait difficile aujourd’hui d’imaginer ce qu’était Paris avant 1850. Elles montrent que le coeur de la capitale ressemblait alors à un noeud de ruelles sinueuses, mal éclairées et insalubres, surpeuplées et misérables. Sous l’impulsion de Napoléon III et de son préfet le baron Haussmann, 120.000 logements vétustes sont détruits, remplacés par 320.000 appartements neufs représentant 34.000 immeubles qui bordent 300 kilomètres de voies nouvelles. C’est alors que naît le bâtiment de l’Hôtel du Louvre qui abrite aujourd’hui le Louvre des Antiquaires".

Effectivement, la galerie nous montre le 1er arrondissement tel qu'il fut il y a un siècle et demi ! Les photographies sont impeccables (scannées bien évidemment, on aura le droit à aucun original) et on a du mal à croire qu'on assiste devant nos yeux à des clichés qui remontent à si longtemps. Inespéré ! L'on pourra en revanche reprocher à l'exposition de ne se concentrer que sur un quartier en particulier, et de ne proposer de voir que les décors et non la foule présente sur les lieux...

Une belle et charmante exposition, mais avec un petit goût de frustration... D'autant plus qu'il est interdit de prendre des photos. Alors profitez de mon insolence pour admirer ces quelques clichés que j'ai néanmoins réussi à prendre avant que l'on me fasse la remarque.

Nom : Exposition Paris Charles Marville
Lieu : Louvres des Antiquaires, 2 place du Palais Royal dans le 1er (M° Palais royal-musée du Louvre, ligne 7)
Date : jusqu'au 27 septembre, de 11h à 19h du mardi au dimanche

Rue coquillère
Rue Croix des petits champs (anciennement rue Neuve des petits champs)
Église Saint Eustache