Ebenezer Scrooge est un vieillard détestable, radin et asocial. Il s'enrichit en solitaire, obsédé par sa bourse et dédaignant tout le monde. Le jour de Noël approche. C'est alors que la veille du 24 décembre, Scrooge reçoit chez lui la visite de trois esprits, venus le hanter le temps d'un soir pour lui donner une petite leçon...
On connaît tous le célèbre conte de Charles Dickens "A Christmas Carol" qui a vu plus d'adaptations sur le petit et grand écran que n'importe quelle autre histoire. Robert Zemeckis reprend donc ce classique et nous offre un mois avant les fêtes l'occasion de revisiter ce mythe à travers une animation graphique qui n'a rien à envier aux récentes superproductions. Il a su retenir les défauts du Pôle Express pour magnifier davantage les expressions de visage. La création de Scrooge, sur qui pivote tout le film, est bluffant de réalisme jusqu'aux reflets des personnages qui apparaissent dans sa rétine aux pores de la peau d'une barbe mal rasée. Les emprunts faciaux de Jim Carrey sont vite repérables et l'on se surprend même à nous questionner par moment sur la réalité de certains passages tant les décors poussent dans les derniers retranchements de l'avancée technologique en matière d'animation 3D. Ainsi, on sera vite indulgent devant la négligence de certains personnages secondaires (comme la famille de l'associé de Scrooge, au visage très poupée russe) au profit de cette prouesse impressionnante mêlant jeux de lumières et effets spéciaux incroyables. Zemeckis a voulu nous en mettre plein les mirettes en ces périodes de fin d'année et c'est pari réussi. L'aventure est magique et répond aux parfaits clichés de Noël (une bougie qui se consume au premier plan, les cantiques chantés dans la rue, la grosse dinde fumante prête à être partagée par les hôtes, les flocons par milliers, les illuminations enchanteresses...) avec une sauce catholique pour faire couler le tout et une morale bien pensante qui touchera les plus grands comme les plus petits.
Pour accorder une importance à l'histoire même, il est intéressant de remarquer que Zemeckis a semble t-il voulu être le plus fidèle possible. Très linéaire, parfois même déroutant de simplicité, Le drôle de Noël de Scrooge est, quoiqu'en pense certains détracteurs devant tout ce déballage féérique, un bien beau conte macabre. Le film se veut résolument noir, presque scabreux, qui sera clairement inaccessible pour les enfants de moins de 10 ans. La profondeur de l'histoire, des caractères de ses personnages, de la maturité des leçons qui en découlent, les clins d'oeil ricochant une Angleterre victorienne dichotomienne avec les pauvres d'un côté et les riches de l'autre, ne manqueront pas d'interpeller les esprits des adultes qui y verront une occasion de souligner l'intellect de cette oeuvre et les nombreuses interprétations qu'elle permettra de faire. Par exemple, le personnage haineux de Scrooge est à voir comme la marque d'un capitalisme triomphant qui a anéanti un être humain, préférant s'enterrer en solitaire avec ses biens matériels plutôt que d'avouer publiquement sa grande pauvreté d'âme et sécheresse du coeur. Ainsi, l'intemporalité et l'impact de ce conte un siècle après font toujours mouches et on remerciera le réalisateur de ne pas avoir niaiser tout son film dans une production où le bon sentiment coule à flot. Hélas, au delà de cette simple richesse visuelle, l'on pourrait reprocher à Zemeckis d'avoir exagérément utilisé les champs élastiques lors des voyages temporels de Scrooge donnant par là même un effet de gerbe au spectateur. Et puis, on est assez surpris de ne pas avoir eu le droit à davantage de poésie, ce qui peut paraître légèrement paradoxal. Les paroles sont débitées comme au théâtre et la mise en scène manque cruellement de personnalité.
Au final, je dirais que pour commencer le mois de décembre dans toute sa splendeur (marketing oblige), Le drôle de Noël de Scrooge constitue le parfait tremplin après la grisaille du mois de novembre. Sorti de ce contexte et de cette parfaite virtuosité technique et graphique, le film ne possède pas un réel intérêt à cause d'une poésie trop artificielle. Mais le principal est là : la magie de Noël que l'on cherche tous est belle et bien présente, et l'on ressort de la salle sourire aux lèvres en espérant voir tomber les premières neiges de la saison. Ça sent les marrons et le vin chaud à la cannelle tout ça !
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