vendredi 11 avril 2008

Six Feet Under - critique saison 3 -

Et voici la saison 3 ! Après le charivari des grandes émotions et des grandes larmes versées lors du dernier épisode de la saison 2, c'est dans un léger malaise que s'instaure le premier épisode de cette saison 3. On croit Nate perdu, mais il s'en sort. Il ne se sent pas prêt à laisser les siens derrière lui et à affronter la mort (=représentée ici par son père). Tout le monde a donc fait son petit chemin de vie, et c'est quelques mois après l'opération de Nate q'on retrouve nos amis les Fisher.
Ruth concentre toute son attention sur sa petite-fille. Elle est le cadeau qu'elle n'attendait plus, et se montre donc peu à peu envahissante au grand dam de Lisa, la nouvelle femme de Nate. Elle s'est décidément résolue à accepter le fait que ses enfants n'ont plus besoin d'elle pour construire leur vie. Mais elle se sent mal. Elle a la cinquantaine, ses enfants vivent encore avec elle, et a peur de ne plus rencontrer le grand amour. C'est la raison pour laquelle elle se jète sur Arthur, le nouvel apprenti de la maison (car nouvelle présence masculine) en y voyant un bon moyen de nouer une nouvelle relation. Malheureusement, elle ne trouvera pas en lui ce dont elle cherche. Il est robotisé, froid, sans personnalité, à la limite de l'être assexué ; elle veut s'épanouir, rire, et se sentir en sécurité avec un homme. Elle rencontrera plus tard Georges, avec qui elle se marira aussitôt. L'amour tombe là on s'y attend le moins.
Nate est à présent un père et un mari. Une responsabilité beaucoup trop lourde pour ses épaules, surtout quand on se remémore sa relation passée avec Brenda, torride et sans engagement (hormis des fiançailles). Il a l'impression de tromper Lisa et son monde en n'ayant épouser sa femme que par principe. Et il se voit comme étant un vrai perdant. Il a son entreprise de pompe funèbres alors qu'il ne l'avait jamais souhaité, et vit avec une femme qui se montre soumise envers sa patronne, mais qui tient tête avec lui lors de leurs disputes. Pire, il voit en Lisa, sa propre mère : c'est à dire une petite ménagère sans travail qui passe son temps à l'éducation de son enfant. Lisa, quant à elle, abore un sentiment presque d'infériorité face à Brenda, l'ex de Nate (qui fera son retour pour des raisons familiales). Elle sait pertinamment qu'elle n'aura jamais sa classe. Et donc, elle ne se plaît pas aux côtés de son mari. Et au moment où le couple, qui semble parfait, d'un oeil extérieur, vont faire la paix (On reste amis, mais amants), un évènement tragique se prépare. On a beaucoup de peine pour eux deux et on a envie de les prendre dans nos bras pour les réconforter et leur dire que tout finira par s'arranger.
David, de son côté, continue sa relation de couple avec Keith, relation tendue et déséquilibrée. Il a peur de ses réactions brutales et violentes, voyant ainsi en lui l'image de son père qui le battait autrefois (celui de Keith). Il voient un psy en pensant qu'une telle personne peut être la solution à tout. Ils vont même connaître l'amour à trois. Keith voit dans cela un moyen de combattre ses propres problèmes de relationnel, et David, un moyen qui ne fera qu'envenimer les choses. David s'impose et s'affirme de plus en plus. Malgré son appréhension du monde extérieur (scène de la piscine, pas si irréelle que ça), il se montre bien plus fier de sa relation avec un homme.
Quant à Claire, elle est sans doute dans cette saison la personne la plus désolée et la plus solitaire. Elle ne supporte plus qu'on la prenne comme la Mère Thérésa de la Californie. Elle s'épanouit dans ses études en art mais ce sera bien bref. Son professeur, qui s'amuse à écraser ses élèves dans le seul but de se mettre en valeur, lui pose bien des problèmes. Il voit en son élève Claire une personne hautement créative qui, avec un peu plus d'expérience, se fera une place sans problème dans le monde artistique. Elle a 19 ans et un talent quelque peu prématuré et prometteur.
Enfin, Brenda se soigne doucement mais sûrement. Mais elle a bien du mal quand on voit son cercle familial qui l'empêche de mener une vie "normale" ou à sa convenance tout du moins (un frère incestueux, une mère nymphomane...). Pour la première fois de sa vie, elle s'est attachée à un homme, Nate, dont elle entretient intérieurement un amour secret. Elle accepte donc ses sentiments pour ce qu'ils sont, et a réussi à se connaître bien mieux qu'auparavant (ne pas dévier de sa trajectoire, rester honnête avec soi même, aider ses proches...).
Alan Ball est un grand metteur en scène. Avec autant de personnages, de personnalités profondes, complexes, voire désabusés, il est arrivé à construire une véritable vie sur le petit écran. Impossible de ne pas se reconnaître dans l'une de ces personnes, de ne pas avoir vécu le même genre de situation. Ca en tellement juste et touchant, que ça en est parfois insupportable de réalisme. Il pique en plein dans le coeur, et ne ménage pas du tout les Fisher. Les pauvres sont conscients que vivre dans un monde où l'on cotoie des morts quotidiennement est extrêmement difficile, ne stresse que pour canaliser la peine des gens en soi qui sont venus organiser les obsèques de leur proche. La maison est une véritable pompe à tristesse, qui suinte dans tous les murs et qui se rabat pour le coup sur l'existence de chacun d'entre eux. Mais Alan Ball n'écarte jamais l'humour, les moments heureux. Un moment heureux, ce n'est pas un moment malheureux. C'est un moment qui s'écarte de notre réalité un court instant, et qui nous fait prendre conscience que la vie vaut largement la peine d'être vécue. Le plus dur après, c'est de reconnaître que le moment que l'on vit est heureux car tout est histoire de subjectivité. Ces treize épisodes nous donnent donc une grosse claque. Dans le bon et dans le mauvais sens. Dans le bon car on se sent moins seul quand on voit que ces mêmes gens sont parfois passés là où nous sommes passés ; et dans le mauvais car on est agrippé à eux dans leurs moments les plus noirs. Bref une série d'une beauté infinie sur l'amour comme il est dur de le connaître (existe t-il un amour heureux ?), sur les apparences comme elles sont bien vilaines et très trompeuses (nous ne pouvons juger quelqu'un que par son attitude, jamais dans sa douleur physique et morale), et enfin sur nos propres démons intérieurs qui font rage à l'intérieur de nous mais qui font partie intégrante et avec qui nous devons cohabiter pour le meilleur et pour le pire. Six Feet Under vomit le bon conformisme et les images toutes bleurettes que les plus traditionnels se donnent 'faussement" sur la vie. Alan Ball a tout compris, et il le sait.

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