lundi 24 août 2009

Mont-Oriol de Maupassant - critique -

Christiane Andermatt et son mari William vont se faire une cure à Enval, dans le Splendid Hôtel, un centre d'eaux thermales. Ils sont rejoints par le frère de celle-ci, Gontran, puis Paul, l'ami de ce dernier. Délaissée par son mari, trop occupé à ses projets financiers, Christiane s'éprend de Paul...
Mont-Oriol est le troisième roman sur les six à voir le jour, en 1887. Ce sera l'unique fois chez Maupassant où l'intrigue amoureuse est ici combinée à une intrigue financière. Le résultat est, à mon grand dam, mi-figue mi-raisin. Jamais un roman de Maupassant, bien qu'il ne constitue qu'une mineure partie dans sa bibliographie (Maupassant étant davantage un auteur à contes et nouvelles), ne m'aura déçu. On sent bien dans Mont-Oriol la satire du milieu médical (le rapprochement Oriol-Guignol peut d'ailleurs prêter à sourire) comme principale roue motrice de ces péripéties : la volonté d'Andermatt de fonder son petit empire par la création d'une cure thermale, sans oublier le thème des coeurs brisés, cher à l'auteur.
L'amour chez Maupassant, ce n'est plus un secret, ne connaît pas de fin heureuse. Christiane, démente, se transforme ici en une vraie loque, aimant follement son ancien amant qui l'a délaissé par lassitude. Chaque femme se différencie selon leur expérience : Charlotte tombera dans le panneau, Louise restera sur ses gardes. Et quant à Mme Honorat, "cette grosse femme", sa vie est déjà toute tracée. A contrario, la gente masculine est une seule et même personne : peinte comme une gente calculatrice, qui rôde comme des vautours autour des femmes dans le seul but qu'elles leur apportent un intérêt financier (dot, héritage des terres...). Seulement, dépeindre l'homme en brigand sentimental est facile à faire, et le fait que Maupassant est choisi cette facilité-là pour victimiser les femmes peut nous surprendre. Nous étions habitués à bien plus de subtilité de sa part (quoique qu'avec Bel-Ami nous avions la définition même de l'arriviste). Le constat peut sembler donc méchant pour nous les hommes : le mâle manipule, est joueur et ne se soucie guère des états d'âmes de ses maîtresses.
Ensuite, Mont-Oriol, c'est bien évidemment le besoin qu'à l'homme de toujours rêver plus grand, plus loin, toujours plus. Andermatt (vilaine caricature du juif, Maupassant antisémite ?) part sur l'idée d'un geyser pour construire une cure thermale. Il se sert de son intelligence, en bon homme d'affaire mondain parisien qui se respecte et qui est habitué à se jouer des manigances de ces adversaires, pour profiter de la crédulité de ces paysans auvergnats. Encore une fois, la caricature est facile : le paysan est un ignorant des affaires et le mondain reste le tout-puissant des bourses. La raison du plus fort est toujours la meilleure... on sentirait presque un Maupassant snob et hautain qui toise les campagnards, forcément à la ramasse. Mont-Oriol, c'est justement cela : plein de petits tableaux à l'intérieur d'autres tableaux, une sorte d'une multiple mise en abîme où les perspectives d'acquérir du pouvoir par n'importe quel moyen ne sont pas très jolies à voir.
Au final, Mont-Oriol me paraît être le moins bien des Maupassant. On sent toujours le brio de sa plume, sa faculté à toujours décrire les petites nuances qui traversent chaque situation et en cela, l'omniscience fait des miracles. Les envolées nocturnes entre Paul et Christiane sont un sommet de romantisme ! Mais il manque un je-ne-sais-quoi qui empêche l'oeuvre d'être au-dessus des autres : une fin où l'on reste sur sa fin, la peinture d'un XIXe siècle capitaliste qui n'évite pas la caricature. Mont-Oriol paraît donc plus comme une chronique, un témoignage de l'époque sur les spéculations boursières et la déshydratation de l'homme par l'argent, plutôt que comme une fiction pure et simple, où le destin des personnages ne font plus qu'un avec l'histoire.

1 commentaire:

Unknown a dit…

Merci pour votre critique. Je ne partage pas votre avis sur les Oriol. Vous les décrivez comme crédules et ignorants des affaires. Hors, c'est tout le contraire : ils n'ont que ruse et malice pour défendre leurs intérêts face au spéculateur Andermatt. Ils allument son désir en utilisant Clovis après la découverte de la source, négocient âprement leurs terres et les dots de Charlotte et Louise. Il est vrai que les qualités prêtées au paysan auvergnat (travailleur et économe) et au 'juif'(affairiste, toujours porté vers l'argent) peuvent paraître caricaturales.

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