lundi 29 mars 2010

Alice au pays des merveilles - critique -

Alice a 19 ans et ne cesse de faire des cauchemars depuis sa plus tendre enfance, du temps où elle avait été au pays des merveilles à deux reprises. Alors qu'elle est invitée à un bal aristocratique pour qu'on lui donne la main d'un Lord qu'elle connait à peine, Alice aperçoit le lapin blanc. En le suivant, elle découvre un terrier. Elle tombe dedans et se retrouve alors au pays des merveilles, dominé par la malveillante Reine rouge.
De son projet à sa création, Alice au pays des merveilles aura mis des années à prendre forme. De quoi faire longuement fantasmer et languir tous les fans de Tim Burton, ainsi que les adolescentes qui épinglent leurs jupes noires en dentelles façon Jack Skellington, ou de leurs sacs à mains à tendance soupe J-popienne. Il a été très dur, pour toutes les personnes qui s'estiment être des littéraires, d'avoir appris que Burton a plus ou moins légiféré sa propre vision de Alice. Et après la vision de ce film tant attendu, je peux enfin confirmer : le film n'est pas du tout une transposition fidèle du chef d'oeuvre de Lewis Carroll, loin de là. Pire que cela, Burton invente une Alice adulte qui se réintroduit pour la troisième fois dans le pays, qui pour le coup ici, a tout du merveilleux ou presque ; alors qu'il reflétait un monde sordide, inquiétant et proche du cauchemar dans le bouquin. Passées ces aberrations et après avoir fait figure de gens extrêmement tolérants et ouverts d'esprit, on essaie tant bien que mal de trouver des qualités au long-métrage. Bien que Burton ait du subir des pressions épouvantables de la part de Disney (esprit marketing oblige, il ne pouvait pas se permettre de réaliser un opéra baroque aussi violent que Sweeney Todd), nous ne pouvons pas nous empêcher de nous demander ce qu'il a bien pu avoir dans la tête. Le scénario est totalement inexistant, faisant du film, une succession de saynètes ennuyeuses et téléguidées sans grand rapport avec l'univers Carrollien, si ce n'est son esthétisme, loufoque, gothique et étrange comme seul Burton sait les concevoir.
Alice au pays des merveilles a tout du piège et de la machine hollywoodienne qui a du générer ses quelques 250 000 000 de dollars pour voir le jour. Oui, Alice au pays des merveilles d'un point de vue graphique est une belle claque, mêlant prises de vues réelles et animations. Les personnages qui y corroborent sont stupéfiants de réalisme et on sent le boulot qui a du être fourni pour le résultat d'un tel travail. Les décors sont inouïs, minutieux, fascinants de détails, et chaque ombres et lumières apportées à une prise de vue font leurs petits effets dans le rendu global qui viennent exploser notre rétine.
Mais qu'en est-il du reste ? Le film a été tourné sur quarante jours, et cela se ressent bien méchamment. Nous ne connaissions pas ce Burton superficiel et prétentieux, qui relègue au premier plan des aspects qui passent pour secondaire dans le protocole d'un film. En privilégiant son aspect esthétique à oscar, Burton en a oublié de lui donner une âme, et choisit de saboter l'atmosphère originale qui faisait tant la particularité du livre. La Alice choisie, sorte de boucle d'or aux robes créées par Donatella Versace elle-même (agrémentées de bijoux Swarowski, c'est dire du côté matérialiste du film), a peine à convaincre, transformée ici une sorte de Xena la guerrière. Johnny Depp joue encore le même registre et passe complètement inaperçu. Anne Hathaway fait bien pitié avec ses manières de greluche et son jeu inexpressif en reine blanche. Ajoutez dans la bande originale les présences musicales d'Avril Lavigne et de Tokyo Hotel, et ça vire au grand n'importe quoi ! Seule Helena Bonham Carter tire son épingle du jeu en proposant une Reine rouge plus absurde et cinglée que jamais.
Conclusion, c'est de la colère qui ressort à la fin de la projection. De constater un tel vautrage en ayant massacré un chef d'oeuvre de la littérature, où il n'y règne ici ni absurde, ni énigme mathématique, ni problème de logique, ni réflexion philosophique, cela relève du prodige de bas étage (sans parler de cette danse finale effectuée par le chapelier toqué, débile au possible). Creux jusqu'au bout, Alice au pays des merveilles est un bide, une déception immense de la part d'un cinéaste de talent, qui indéniablement commence à virer au déclin... Mais ce qu'on n'arrivera pas à lui faire pardonner, c'est d'avoir triché aussi grossièrement en transformant un monument de la littérature en pilier de comptoir.
Alors oui, le tout est beau comme un emballage d'oeuf de Pâques de chez Fauchon, mais il faudrait apprendre aux producteurs que l'on ne peut pas se prendre pour Dieu en alignant les zéros sur un chèque...

1 commentaire:

Unknown a dit…

Oui et je trouve ça bien dommage, maintenant, que ce soit cinéma ou jeux vidéo , on veut faire du "grand public", au détriment des petites particularités subtiles et bien significatives qui nous plaisent tant (et de l'esprit même d'une oeuvre!).
Donc on inculque dans la tête de certaines personnes déjà assez incultes des idées fausses et "bling bling" sur des choses qu'elles gagneraient à connaître.
A croire qu'il faut satisfaire une masse complètement débile avec- passez-moi l'expression- des goûts de chiotte pour faire des ronds...
Tokio Hotel, mais quelle horreur -oui bon tous les goûts sont dans la nature mais franchement avec Burton et Caroll ça colle vraiment pas- (comme Leona Lewis dans la mouture occidentale de FFXIII...).
Et je passe sur tous les détails que tu as cités et qui ne m'incitent vraiment pas à payer (justement c'est les biftons qu'ils veulent à faire des généralités pour vaches à lait pareilles) pour aller voir ça.
Y'a des choses qui me font désespérer. Désolée je peste mais c'est dans ma nature.