En Allemagne, au lendemain de la 2nde guerre mondiale, un jeune adolescent Michael Berg fait la connaissance d'une femme Hannah Schmitz faisant le triple de son âge et s'embarque dans une liaison passionnelle et passionnée. Un jour, la femme déménage sans laisser de trace ce qui rend un Michael inconsolable. Huit ans plus tard, par le plus grand des hasards pendant un stage, étant devenu étudiant en droit, il la retrouve sur le bancs des accusés pour crime contre l'humanité...
Ce qui est formidable et appréciable avec Stephen Daldry, c'est qu'il ne joint jamais l'utile à l'agréable et encore moins la facilité à ses longs métrages. Le sujet, grave et casse-gueule, est étonnamment bien traité et se révèle au final d'une intelligence rare sans faire ainsi fi des actes de certains de ses personnages.
A la base, the reader est un roman écrit par Bernard Schlink dont la qualité d'écriture et de scénario acclama le public. Ici, nous sommes loin d'une transposition ratée d'un certain Hérisson tant l'on y reconnaîtrait l'ambiance lourde et froide qui se dégage des lignes. Hannah, jouée par Kate Winslet encore une fois admirative, est un personnage à deux facettes et sa complexité n'a d'égale que son charme naturel (on comprend le béguin du jeune pré-pubère). Leur relation secrète est filmée avec beaucoup de tact, entre des ébats érotiques très sensuels qui ne tombent jamais dans le voyeurisme, et des échanges de conversations enjouées qui rattrapent leurs personnages sur le voile qui recouvre l'âme de leur coeur. Cet amour, fondé sur la lecture que le jeune homme transmet généreusement à sa maîtresse, lui permet de vaincre sa jeune timidité et de s'affirmer ; et à Hannah, de s'évader dans des univers de fantasmes et d'illusions, au loin d'un monde qui a connu il y a quinze ans de cela, les atrocités dont on connaît à peu près tous.
Daldry, à la manière de The hours, a cette façon de filmer d'une manière assez peu chaleureuse voire conventionnelle car cela se ressent même dans les éclairages et les décors, plantés et sobres, dans un Berlin dont on sentirait encore l'odeur des bombes. Mais surtout, le ou les thèmes traités deviennent problématiques. Confinant des sentiments entre dégoût et empathie, on invite le spectateur à écarter deux minutes son sentimentalisme mélodramatique au profit de sa raison. Car le film est scindé en deux parties : l'histoire des amants pendant un été, puis le procès (avec des va et vient de sauts dans le temps). Daldry ne cherche donc pas à ce que l'on s'attache à ses personnages pour peut-être mieux les pardonner mais au contraire il souhaite que l'on aborde les contours de leurs esprits pour mieux les cerner. Les abysses de la culpabilité, un amour contrarié, les responsabilités... autant de thèmes qui acquièrent une force et une audace sans égales.
La seconde partie du film qu'est le procès d'Hannah et par là même la découverte de son secret pourrait se résumer à l'une des phrases que débite le professeur de droit, joué ironiquement par Bruno Ganz, le Hitler de La chute. Il affirme que "La société croit pouvoir se fonder sur ce qu'elles nomment les valeurs morales, mais c'est faux". En effet, dans cette colère qu'est la nôtre, retransmise et inculquée à l'école sur les atrocités commises par les nazis et qui se cache derrière nous tous face à des bourreaux qui ont commis l'impardonnable face à la population juive dans les camps, on serait tenté de voir Hannah comme un monstre. Or, le cinéaste n'emprunte jamais le chemin de la facilité. Certes les actes sont là (dont je ne dirais rien), mais le secret que renferme Hannah lui vaudrait presque une rédemption quasi-instantanée. Le trouble qui règne dans les scènes de procès, la froideur des plans, le vide qui se remarque dans les yeux de Hannah, la grande contrariété émotionnelle de Michael, les dialogues entre procureur et accusée sont filmés très intelligemment. On aurait pu s'attendre à davantage de pathos ou de scènes larmoyantes : quelque chose qui nous remue bien l'estomac face à l'ampleur du drame. Et c'est ce qui nous décevrait presque car Daldry reste décidément distant avec ses personnages tout en dépeignant leur cas de conscience et leur intimité la plus profonde.
Il est regrettable à mes yeux que la statuette ait été remise à Winslet pour ce rôle là et non pour celui qu'elle tient dans Revolutionnary Road, bien que crevant comme toujours l'écran. En nous proposant une réflexion aussi fouillée dans une histoire qui n'impose aucun manichéisme, on s'étonne nous même d'adopter une attitude impartiale face aux situations qui défilent dans The reader. La grâce des sentiment retranscrits, qui vont d'un regard amoureux à une main fuyante, apporte une pointe d'intensité dramatique sans pour autant dénaturer ses propos. La qualité scénaristique se révèle très pertinente et les acteurs habités ainsi que la musique amènent beaucoup de force. Nous détenons là un très beau film, un peu bavard, long et lent, mais assurément intelligent pour l'apprécier à sa juste valeur.
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