IVème après Jésus-Christ. Alexandrie est sous la domination des romains. Hypatie, une brillante astronome, tente de préserver, malgré la menace des chrétiens qui se profile, les connaissances accumulées au fil des siècles dans la bibliothèque de l'atrium. Les guerres de religion émergent petit à petit, et les disciples d'Hypatie sont indécis quant au camp à choisir. Surtout que les chrétiens deviennent de plus en plus violents pour imposer leur foi...
Le nouveau film de Amenabar a de quoi susciter de nombreuses interrogations lors de la projection. En effet, il se pourrait que de nombreux spectateurs ne parviennent pas ou peu à saisir l'intérêt que le réalisateur a eu d'avoir inclus l'astrologie avec les guerres qui ont fait rage à cette époque. La suprématie imminente du christianisme est ici démontrée avec la crudité qu'il fallait pour éviter de plonger le film dans un bain de sang. Certes, certaines scènes sont d'une violence inouïe mais Amenabar n'attarde jamais sa caméra dans la complaisance de détails sordides. La vraie force avec laquelle le cinéaste s'est empruntée, c'est l'adoption du point de vue philosophique face à ces phénomènes. L'idée est de montrer que la situation telle qu'elle fut il y a dix-sept siècles est exactement la même que celle d'aujourd'hui : toujours ces politiciens véreux, ces illuminés pseudo-religieux qui se disent guidés par les voies impénétrables de leur seigneur, pour mieux imposer à son peuple ses exigences. L'intolérance, la haine, la barbarie dont l'homme peut être capable... tout cela est suggéré explicitement (des plans audacieux sur ces milliers d'hommes, tels des fourmis que l'on veut écraser, qui détruisent tout sur leur passage) et implicitement (la volonté inébranlable d'Hypatie pour comprendre le fonctionnement de l'univers).
Rachel Weisz est donc on ne peut plus crédible dans ce rôle de femme forte, au milieu de ces fauves misogynes. En essayant de véhiculer l'idée selon laquelle qu'importe la religion, nous sommes tous des frères via la pensée universelle, Amenabar fait grincer des dents. Car le postulat, simpliste et quelque peu radoteur, aurait pu grandement gagner en maturité dans le film, au lieu de s'embourber dans des scènes inutilement trop longues. Le film traîne en longueur, et malgré des plans audacieux (des vues aériennes d'une maîtrise totale / une image inclinée à 180° pour mieux se rendre compte de l'absurdité ahurissante du comportement humain), Amenabar n'arrive pas toujours à recentrer son sujet de manière centripète. Par exemple, les afflux amoureux de Davus et Oreste vis à vis d'Hypatie sont très maladroitement mis en scène, et les acteurs incarnant ces roucouleurs ne parviennent pas toujours à nous convaincre (cf. Davus et son jeu monolithique). Agora constitue donc un bon péplum en ce qu'il a d'innovant de privilégier la métaphysique sur le grand spectacle. Le travail lissé d'Amenabar est d'autant plus méritant qu'il touche à chaque fois tous les genres cinématographiques. Mais avec quelques raccourcis ou une meilleure huile de coude, le cinéaste aurait pu ici faire d'Agora un film qui frappe très fort. Karl Marx disait que "La religion est l'opium du peuple". Ici, même si la citation devient anachronique, on en a la parfaite illustration : l'homme, obligé de croire en quelqu'un d'autre que lui même, qui se meurt à tuer les autres qui ne rentre pas dans ses idéaux... D'ailleurs, Amenabar, lors d'une interview, affirmait que si les chrétiens n'avaient pas détruit la bibliothèque d'Alexandrie et tous les précieux documents qu'elle renfermait, nous saurions sans doute aujourd'hui comment voyager de planète en planète. Alors la Religion, un frein au développement de la Culture ?
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