Londres en 1818, John Keats, poète sur le devenir et sans le sou, est le voisin de Fanny Brawne, une femme mondaine et cultivée qui aime briller en société. Celle-ci, constatant l'état inquiétant du frère de John, décide de l'épauler dans cette rude épreuve. Puis, contre toute attente, l'attitude de ces deux personnages, au départ plutôt froide, se transforme en une véritable relation platonique et romantique dont l'intensité est si forte qu'ils tombent fous amoureux l'un de l'autre. Mais à son tour, John tombe aussi malade, remettant ainsi tout en cause...
Jane Campion se fait rare sur le grand écran. L'ombre de la palme d'or qu'elle avait décroché en 1993 avec La leçon de piano et qui lui donna le titre de première réalisatrice femme à l'obtenir depuis l'histoire du festival plane indubitablement autour de ce Bright Star, mettant en vedette Abbie Cornish et Ben Whishaw, tout frais sorti de la très bonne adaptation du chef d'oeuvre de Patrick Suskind Le Parfum. Partir du XVIIIe siècle français pour atterrir dans le XIXe siècle anglais ne semble donc pas être une gageure insurmontable pour l'acteur. Son jeu, quoique délicat et tout en retenu, n'a pourtant rien de très opaque. Ainsi, on a bien du mal à s'accrocher à ses minauderies, même dans les scènes les plus déchirantes. Non, le film repose surtout et entièrement sur la prestation éblouissante d' Abbie Cornish. La bright star, au sens propre et figuré, c'est bien elle. Sa pudeur , sa fièvre et sa frénésie relèvent d'une telle force qu'elles nous tirent les larmes sans aucun effort.
Pour son dernier film, Jane Campion a voulu nous raconter une période de la vie du poète John Keats. Rectification, du très méconnu John Keats. Car sa vie, et le film fait en cela très bien passer le message, commence et finit au même point : celui du poète d'avoir vécu dans le presque anonymat. Et qui pourtant oserait dire qu'il n'a jamais entendu ce très célèbre vers : "Brillante étoile ! Que ne suis-je comme toi immuable, Non seul dans la splendeur tout en haut de la nuit" ? Keats est donc un vrai fantôme et Bright Star s'accorde à nous intimider à lui. Disons le clairement, la première partie du film fait bâiller aux corneilles. La narration est froide et Campion nous donne l'impression d'être impassible, ou pire, d'être un peu trop réservée pour les émoluments sentimentales de ses personnages. La présence trop discrète de la musique désemboîte complètement la succession des scènes. Puis Campion change de main. Dès lors que l'idylle se construit, la réalisatrice enchaîne avec une grande complaisance les tableaux style millaisiens. La lumière est superbe, les paysages champêtres rayonnent de toutes leurs couleurs, et le spectateur ne fait plus qu'un avec la Nature, éternelle consolatrice des tourments du coeur. Il est l'occasion pour Campion de déballer toutes les tenues de l'époque, que l'héroïne ne manque jamais de rêvetir pour sursensationnaliser la mise en situation et contextuelle de ce siècle. Campion ose porter la poésie dans sa vérité la plus nue, le romantisme dans sa vertu la plus touchante, et bien sur, l'amour, porté ici dans son éclatante tragédie ("Pourquoi sommes nous crées si nous devons sans cesse souffrir ?" Fanny). Scandé par les plus beaux vers de Keats, le film réussit dans sa dernière demie heure à nous faire ressentir une violente peine pour ces personnages concassés par l'injustice dont ils sont victimes. Le sentiment amoureux, qui pourtant passe à la moulinette, devient communicatif et confère un statut magique au long métrage.
Au final, malgré un début pénible, fade et difficile, Bright Star apporte ce que le spectateur était en droit d'attendre : une vague romantique où le corps et l'esprit ne font plus qu'un, où le sentiment platonique n'a rien de ringard et où la chasteté des attitudes amoureuses se révèlent belle à en pleurer. Jane Campion réussit son retour, manifestement, et on lui remercie de conserver un cinéma aussi pur qu'est le le sien, basé sur un simple regard ou un simple effleurement de mains.
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