jeudi 18 juin 2009

Coraline - critique -

Coraline Jones est une fillette intrépide de onze ans, et d'une curiosité sans limites. Ses parents, qui ont tout juste emménagés avec elle dans une étrange maison, n'ont guère de temps à lui consacrer. Pour tromper son ennui, Coraline décide donc de jouer les exploratrices. ouvrant une porte condamnée, elle pénètre dans une maison identique à la sienne... mais où tout est différent.
Coraline résulte, quinze ans après le sublime Etrange Noël de Mr. Jack, du mélange entre la capture en stop-motion traditionnel et la 3D. Un seul homme et donc un seul nom à retenir pour ce grand talent : Henry Selick. Bien peu de films je dois dire m'ont déçu en ce moment au cinéma et Coraline ne fait pas exception. Intimement profond et visuellement spectaculaire, Coraline nous entraîne dans un cauchemar éveillé, rythmé par une petite fille très attachante. Gretel des temps modernes, Coraline vit tout un parcours initiatique sur la quête de soi (l'anagramme Coraline/Caroline n'est d'ailleurs pas anodin). Le thème a été maintes et maintes fois traité mais rarement on aura ressenti un pareil vent d'air frais. Prouesse technologique, Coraline est avant tout un monde très inquiétant où l'étrange se cache derrière un buisson et où les éléments folkloriques de la malchance (arbres défeuillés, chat noir, bicoque biscornue, fleurs fanées..) incarnent de véritables illusions. Jouant systématiquement la carte du leurre, Selick crée à sa façon son pays des merveilles, le faisant ainsi basculer entre le trompe-l'oeil total et la réalité telle qu'elle apparaît. Au centre, le jardin des peurs primaires, c'est à dire les peurs enfantines, celles qui sont les plus cachées, les plus enfouies en chacun de nous. On les oublie mais ô grand jamais nous les évinçons de notre esprit. Coraline nous offre ce melting-pot de scènes cauchemardesques car absurdes : ici pas de monstre sous le lit, mais une salle immense de spectacle avec pour spectateurs des chiens à un oeil...
Coraline est aussi un grand moment de cinéma d'animation de par ses couleurs. Pastellées, hypnotiques, le film n'es pas sans rappeler un certain Noces funèbres pour la symbolique de ces dernières. Étrangement, nous remarquons que le monde réel se chaparde de couleurs fades et monochromées, et à contrario, le monde parallèle laisse place à un épanouissement total de son environnement. Le message que souhaite faire passer Selick en filant cette métaphore de plus de 1H30 est de montrer à quel point nous sommes acteurs de nos propres couleurs et que si la vie nous parait triste et monotone de par son noir et son blanc, c'est parce qu'une part de nous même souhaite adopter ce style grisé. D'où l'intérêt que porte Coraline a acheté au début cette paire de gant oranges et qui montre à quel point elle symbolise LA couleur dans cette aventure et que tel un coloriage, elle devra peindre ses propres qualités pour sauver sa vie.
Emmené par une bande-son très féerique, Coraline est donc un petit bijou d'animation qui ne manquera pas de toucher ni les petits et ni les grands. Selick y insère une philosophie des plus intéressantes et a su créer une fois de plus un univers sombre et très personnel, débordant d'imagination où le vrai n'est jamais loin du faux. Finalement, Coraline c'est comme une crème caramélisée : d'apparence merveilleuse, il suffit de la gratter un peu pour laisser paraître à l'intérieur des fissures qui ne demandent qu'à être enduites de bons sentiments.

2 commentaires:

Vincent a dit…

Ce film me fait décidemment penser à Alice ! Le thème du tunnel, le rêve qui devient cauchemard, la petite fille qui fait une introspection sur elle même et sur le monde qui l'entoure...
Après je pense que tout doit résider dans la beauté visuelle du film et dans le contraste/décalage entre éléments "glauques" et conte enfantin...Et la musique d'après ce que j'ai cru comprendre fait son oeuvre.

Pourquoi à ce propos les vielles maisons victoriennes sont elles constamment associées au monde de l'étrange ? De l'hôtel de Norman Bates en passant par la maison des sorcières dans la série Charmed jusqu'à Coraline, c'est toujours le même type de maison qu'on retrouve... Peut-être le fait que ces maisons de types victorien avec les grandes demeures coloniales du Vieux Sud sont sans doute les seules traces d'habitats "du passé" sur le continent américain ? Mais ça en devient presque un leitmotiv de l'étrange je trouve...

Belle critique en tout cas qui donne toujours autant envie d'aller voir le film ;)

Tom-tom a dit…

Carroll n'est effectivemment pas loin dans ce film.
Le lapin blanc, ce sont ici des souris, la reine de coeur c'est la sorcière...
Ce travail qui a nécessité deux ans est de toute beauté, oui.

Les maisons victoriennes sont tellement immenses qu'on pourrait y élever tout un univers à l'intérieur. Et leur architecture est très particulière. D'où ces éléments fantastiques qui viennent s'intégrer dans une grande cohérence :))

Merci pour ton beau commentaire Vincent !
Décidemment, beaucoup de choses à dire sur ce film.
Bisous