Une famille bourgeoise vient dans leur maison de campagne passer les vacances. Le jour même, un jeune homme vient demander des oeufs. Ceci sera un prétexte pour pouvoir avec son complice faire vivre un vrai calvaire au père, à la mère et à l'enfant...
On assiste, impuissant, à l'enfer que vit cette famille qui n'a rien demandé. Puis le couperet tombe : le générique de fin. Et là, on a rarement autant été satisfait qu'un film s'arrête, pour souffler un peu et reprendre nos esprits. FUNNY GAMES, entre chef d'oeuvre et film incompris : explications.
Michael Haneke, le réalisateur, tourneboule le spectateur. Car en effet, ce n'est pas le sien mais bien celui des tortionnaires du film. A l'aide de procédés inventifs, il ne manque pas une occasion pour nous faire comprendre qu'en regardant ces tortures psychologiques si insoutenables, nous faisons bel et bien partie malgré tout du camp des personnes qui jubilent et qui prennent plaisir à s'installer dans un fauteuil pour vivre un pur moment infernal dans le plus grand des voyeurismes. Honte à nous, il est vrai ; mais honte également à la race humaine, dépeinte ici dans une cruauté qui dépasse l'entendement. Les deux jeunes hommes, assassins tarés et pervers, nous clin-d'oeil et nous parlent : on est acteur. Mais on ne peut pas intervenir : on est spectateur. Le but d'Haneke est donc de nous amener à une réflexion très intéressante sur la violence au cinéma et aux films qui la banalisent (Haneke ne pardonnera jamais à Quentin Tarantino d'avoir esthétiser le sang). Dans FUNNY GAMES, rien n'est utilisé à outrance : le sang ici se fait rare. De fait, il reste et doit rester comme quelque chose de choquant et c'est en ce sens que FUNNY GAMES réussit le pari de nous le faire comprendre très habilement.
Dans une époque maintenant où voir sur l'écran des personnes se faire massacrer sans aucun motif ni argument derrière (les sagas Hostel et Saw par exemple...) devenant ainsi un presque divertissement pour les yeux, tendent bien à montrer que le public de nos jours n'est plus aussi rassasié voire ému par les excès de violence, devenus quotidiennisés. Bien loin est l'époque où l'on sursautait devant un Bela Lugosi en vampire sanguinaire ou devant un Nosferatu en noir et blanc : maintenant, c'est un cornet de pop-corn en regardant tripes et vomis...
Dans FUNNY GAMES, c'est l'histoire d'une barquette d'oeufs, c'est l'histoire d'un club de golf et de sa balle... Toutes les scènes sans exception, toutes ces meurtrissures psychologiques nous émeuvent dans notre fort intérieur : cela va au père qui devient désespéré et qui hurle face au meurtre de son fils, à la mère qui n'a déjà plus d'âme, assise comme une bonne soeur à l'église à prier. Les tueurs sont dépourvus de conscience et le fait qu'on ne sait rien d'eux, qu'ils enchaînent leurs victimes comme des quilles de bowling (les voisins que l'on voit au début devaient sûrement vivre le même sort), qu'ils gantent leurs mains par précaution, qu'ils se montrent insupportablement mielleux et polis et qu'ils gardent toujours le sourire face à cette inhumanité dont ils font preuve, accentuent ce climat froid et tendu qui règne péniblement du début jusqu'à la fin. La musique classique, le portail qui s'ouvre comme par magie, la belle robe à fleurs de la maîtresse de maison ne sont ici que des leurres destinés à perturber encore plus davantage le spectateur.
"La fiction a une réalité. Elle a autant de réalité que lorsqu'on la voit dans un film" dit l'un des tueurs à son acolyte à la fin. Ils se font également les critiques de ce débat, à savoir qu'il faut arrêter de croire qu'il faut arrêter d'être choqué par un film sous prétexte que ce n'est qu'un film ! Quand l'horreur est bien là, on ne peut la ressentir sinon la vivre. Et rien de plus humain que de continuer à être chamboulé devant pareille atrocité car c'est en cela que l'on prouve notre humanité.
Haneke signe donc un superbe film (les acteurs sont extraordinaires), culte et infiniment profond dans sa réflexion. Très violent dans les mots et dans les gestes, FUNNY GAMES nous baffe si fort qu'on a du mal à se relever dignement. On se sent coupable d'être venu, d'avoir vu mais de ne pas avoir vaincu. Ce goût amer restera comme l'une des plus belles preuves qu'un réalisateur puisse entreprendre pour le 7ème art : celle qui inculque une leçon si phénoménale qu'on lui en serait presque reconnaissant d'avoir du en passer à réaliser un tel film monstrueux pour ne jamais devoir à réveiller le monstre qui sommeil en chacun de nous...
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