L'histoire d'une rencontre inattendue : celle de Paloma, jeune fille de onze ans intelligente et suicidaire, de Renée Michel, la concierge de son immeuble et du nouveau propriétaire japonais d'un appartement Monsieur Ozu.
Inattendue, c'est bien le mot. Tellement inattendue d'ailleurs qu'on y croit malheureusement pas une seule seconde.. N'ayant pas lu le roman, je ne peux que me baser sur le film mais beaucoup de critiques et d'adorateurs de cette oeuvre ont souvent qualifié le livre d'inénarrable, de par son multiple récit aux narrations diverses qui se révèlent extrêmement personnalisables aux yeux de son lecteur (on créerait nous même une ambiance). Mona Achache, la réalisatrice, tisse ses personnages dans la pire des caricatures possibles, au point que son film devient à cause de cela presque irregardable de grotesquerie. La petite Paloma (pourtant bien jouée de façon plutôt mature par Garance Le Guillermic) est bien trop intelligente à la limite du surhomme. Ses phrasés, son point de vue, sa vision du monde... ne collent absolument pas au physique de la jeune fille, et ce n'est pas sa salopette sur fond de tee-shirt marin St James qui viendront démentir mes propos. Le personnage, très complexe (comme tous les autres), n'aspire aucune empathie. Ses parents, vieux bourgeois coincés proche des Le Quesnoy, ne font pas exception. On verra la mère déambuler dans son gigantesque appartement 16ème arroser ses petites fleurs dans son drapé Prada ; la grande soeur qui a son petit copain qui se nomme Tibère et qui insulte la concierge car socialement plus bas qu'elle ; et enfin le père qui frôle l'absentéisme. Rien que par ce petit tour d'horizon, le film devient déjà terriblement ennuyeux et on se lèverait presque pour quitter la salle.
Mais le summum de l'hypocrisie trash et archétypale revient au personnage japonais. Dégoulinant de bonnes valeurs, forcément raffiné et élégant car japonais, forcément bien éduqué et ayant des bons goûts, Achache dépeint son personnage dans une écoeurante inconsistance car dénué de toute réalité. Tout d'abord, jamais un japonais qui vient d'acquérir un luxueux appartement bourgeois parisien ne s'aviserait de "côtoyer" la concierge, laide de surcroît. Dans ce pays obsédé par les apparences et les différences sociales auxquelles ils les bloquent par des barrières retords, la concierge passerait comme presque insignifiante. Or dans le film, on détecterait un sentiment amoureux entre les deux, suffisamment fort en tout cas pour être unis spirituellement. Et les dialogues sont par moment si artificiels qu'on serait tenté de croire qu'il séduirait la concierge dans le seul et unique but de vanter sa grande richesse.
La seule, et je n'en attendais pas moins, qui sort son épingle du jeu est Josiane Balasko. Elle joue Renée toute en retenue, profondément inspirée et qui éveillerait même, dans ce bourbier faussement arrogant, un solide attachement pour son personnage. Tiraillé par ce besoin de rester à sa place et de bouger dans l'évolution sociale en traînant avec les nantis, Renée est, derrière l'archétype, la concierge française par excellence. Sa culture générale immense, sa simplicité, son intelligence invitent à s'interroger sur ce complexe et non moins ambigu personnage. Mais c'était sans compter la scène finale, involontairement comique ; comme si Achache avait peur de prendre des libertés pour donner plus de panache et d'envergure au roman de base, et qui se contente ainsi de virer à l'extrême classicisme de par une fin qui vire au n'importe quoi, ni fait ni à faire.
En conclusion, je dirais que le hérisson vaut le détour grâce à Balasko, dont la prestation est la plus convaincante de toute. Même si retranscrire une oeuvre sur grand écran relève comme toujours du défi, je pense qu'en terme de scénario et de complexité des personnages, Achache pouvait réaliser là un bien beau film à la limite d'une fable moraliste. Mais il n'en est rien. Creux, méchamment caricaturé, bavard et ennuyeux, ce presque huit-clos est une petite déception. Achache a vu grand, peut être trop et malheureusement pour elle, cela se ressent à chacune des minutes...
4 commentaires:
Et bien ! Quand on aime pas, on aime pas ! C'est perceptible au moins !
J'ai l'impression que c'est surtout le côté "non realiste" du film et surtout des personnages et de leurs relations entre eux qui n'ont pas passé pour toi. Bon, on peut toujours relativiser en ce disant que ce ne sont que des personnages évaporés dans de la fiction, tant que le film ne veut pas vraiment dépeindre la réalité, tout est possible.
Et si le monsieur n'étais pas japonais et que l'histoire ne se passait pas dans le 16e à Paris, est ce que Monsieur Tom-Tom aurait davantage apprécié le film ?
En fait je partage absolument tes sensations. C'est comme moi lorsque je regarde un film ou des séries qui se disent "historiques". C'est incroyble toutes les bêtises et les incohérences que l'on peut déceler et observer quand on connaît bien le sujet du film (comme toi avec le japonais et la vie dans un immeuble parisien du 16e de surcroît). Les réalisateurs s'attachent bien trop souvent à des images connues, à des archétypes voire calquent leurs propre système de valeurs qui n'ont souvent rien de véridiques pour le sujet. Au final, on en ressort presque énervé, et je comprend ton sentiment même si n'étant pas Tom-Tom je regarderais forcément le film différemment.
En fait, ce n'est pas une histoire de 16ème ou le fait que le type soit de nationalité japonaise. J'adore mon quartier et que le film aurait été tourné dans n'importe quel arrondissement m'aurait bien été égal. Paris reste Paris à mes yeux :-)
Ce qui m'a déplu, ce sont les images trop faciles qu'Achache a balancé sur chacun de ses personnages. La personnalité du japonais apparaît fausse et ne correspond pas. J'ai parlé de barrières dans ma critique. C'est exactement ça : comment un milliardaire (et donc japonais, donc très porté sur le regard des autres et les apparences) peut-il s'enticher d'une ... concierge ?! Surtout que dans le film, il est à fond et ça arrive comme un cheveu sur la soupe. Il la connaît à peine qu'il sait déjà qu'il aime l'image qu'elle renvoie d'elle.. Ça ne va pas...
Mais voilà, à chacun sa façon de voir et de percevoir ce que l'on voit sur grand écran.
Ensuite ce qui serait intéressant, c'est d'avoir pourquoi pas l'avis d'une vraie concierge ou d'un japonais :-)
et pourquoi un riche japonnais ne pourrait il pas tomber amoureux d'une concierge? est ce un sot métier? avant d'être une concierge c'est une personne humaine il se peut qu'il y ait eu simplement ce qu'on appelle le filing... non? enfin je dis ça mais je n'ai pas vu le film! je pense simplement au "coup de foudre" qu'on y croit ou pas! de toute façon c'est un film
Je trouve Anonyme ton commentaire très naïf et presque (je dis presque car ce n'est pas le cas) touchant. Non, un riche ou très riche japonais ne peut pas tomber amoureux d'une concierge. Pour deux raisons :
- La première ne vient pas du métier de concierge, ma grand-mère en était elle même une ! Il faut surtout être réaliste et arrêtez de vivre dans "Coup de foudre à Nothing Hill". Les barrières sociales sont belles et bien présentes dans le quotidien de nos vies, qu'on veuille l'accepter ou pas.
- La seconde tout simplement parce qu'un japonais ne mélange jamais les torchons et les serviettes. Que surtout parce qu'il doit appartenir à une ancienne génération au vu de son âge, il a du recevoir une éducation à l'ancienne, fondée sur la retransmission du sang noble (je crois que dans le film c'est le cas), des valeurs et de l'héritage de leurs richesses.
Et surtout aussi, parce que j'ai vécu dans le pays des mois durant, et je peux avoir un avis fondé sur la question, ayant observé les us de ce pays.
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